Importations de panneaux solaires chinois en France
Question écrite de M. Francis NIZET, membre élu de la circonscription électorale de Tokyo.
QUESTION
La Commission Européenne a décidé d’ouvrir une enquête sur les importations des panneaux photovoltaïques d’origine chinoise représentant un volume d’importation de 21 milliards d’euros par an soit 10% du total des exportations chinoises vers l’Europe mettant en péril tout le secteur photovoltaïque européen. Les États-Unis ont récemment imposé des droits de douane de 24 à 36% sur les panneaux solaires chinois vendus à des prix anormalement bas aux Etats-Unis.
La France compte-elle agir sur l’Europe pour inviter celle-ci à recourir, le plus rapidement possible, aux instruments de défense commerciale dès lors que la loyauté des échanges n’est pas respectée ? Quel est l’agenda de cette enquête ? Quelles sont les institutions françaises suivant ce dossier ? Quel est le point de vue du gouvernement français à ce sujet ?
REPONSE
Le commerce international peut être source de croissance et de création d’emplois dès lors qu’il se fonde sur une concurrence loyale entre les producteurs domestiques et étrangers et qu’est évitée toute forme de distorsion. A cette fin, le recours aux instruments de défense commerciale est autorisé par les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). L’application de ces instruments relève de la compétence de l’Union européenne (UE) au titre de la politique commerciale. Les procédures européennes respectent des standards élevés dans la conduite des enquêtes et le respect des parties intéressées. Si des éléments techniques indiquent que la concurrence est déloyale, le gouvernement français donne un avis positif au sein du comité consultatif chargé d’étudier ces plaintes. Ce comité est composé de représentants de chaque pays de l’UE et présidé par un représentant de la Commission. La France joue un rôle actif au sein de ce comité et produit des observations circonstanciées sur chacune des consultations soumises au comité, au stade de l’ouverture d’une procédure (en fonction des éléments de preuve disponibles), de la période d’enquête, de la conclusion de la procédure suite à l’enquête (sans institution de mesures, instauration de droits antidumping provisoires/ définitifs). Les institutions françaises suivant ce dossier sont la Direction Générale du trésor et la Direction Générale de la Compétitivité, de l’Industrie et des Services, à Paris. A Bruxelles, la Représentation Permanente à Bruxelles suit attentivement ces dossiers et rencontre également les entreprises parties prenantes pour les appuyer dans leurs démarches.
Les éléments préalables de l’enquête sur les importations des panneaux photovoltaïques d’origine chinoise relèvent un cas évident de concurrence déloyale : la Commission évalue à plus de 20 Mds d’euros d’exportation, ce qui en fait le cas le plus important de l’histoire de l’antidumping. Ce secteur représente en outre encore un enjeu industriel pour la France. Le dossier concentre aujourd’hui principalement des intérêts industriels allemands. Toutefois la France dispose encore d’un tissu industriel avec notamment les sociétés Tenesol (Moselle), Fonroch (Agen), Soitec ou Bosch Vénissieux : les entreprises françaises du secteur emploient environ 13.000 personnes en juillet 2012 (contre 25.000 un an plus tôt). Au-delà de la protection des acteurs industriels nationaux contre une concurrence déloyale, se profile la question de la stratégie industrielle dans le domaine des énergies renouvelables. En l’occurrence, des changements réglementaires tarifaires dans le secteur du photovoltaïque français ont également induit des modifications dans l’équilibre du marché français.
Après le dépôt de la plainte par ProSun, rassemblant les industriels européens, enregistrée le 25 juillet, la Commission a donc décidé l’ouverture d’une enquête le 7 septembre 2012, considérant que les conditions nécessaires à l’ouverture d’une consultation étaient réunies. La Commission va donc suivre la procédure dans toutes ses étapes en adressant prochainement des questionnaires à l’ensemble des parties intéressées : importateurs, exportateurs et producteurs. Ces questionnaires lui permettront d’évaluer l’existence ou non de dumping, des dommages, et du lien de causalité. Ces investigations reposeront sur la bonne coopération des acteurs, la Commission prévenant toutefois que si les producteurs et exportateurs ne coopéraient pas, elle s’appuierait sur l’information disponible. L’adoption de mesures provisoires (redressement des droits de douane à l’entrée de l’Union européenne) pourra se faire dans un délai compris entre 60 jours postérieurement à l’ouverture de l’enquête (6 novembre 2012) et 9 mois (juin 2013), les mesures définitives devant être prises dans un délai de 14 mois (novembre 2013) sur proposition de la Commission.
La décision d’ouvrir une enquête relève d’une décision du collège des Commissaires en consultation avec les Etats membres. La consultation, confidentielle, repose sur une majorité simple pour le lancement de l’enquête. La décision sur les mesures définitives se prendra éventuellement sur la base d’une majorité qualifiée inversée. Enfin, l’aboutissement de la procédure sera soumis au contrôle juridique de la Cour de Justice de l’Union européenne, et peut naturellement faire le cas d’une demande de panel à l’OMC.
Dans ce contexte, la France est attentive au déroulé de l’enquête. Elle reste néanmoins prudente dans son mode de communication : les risques de rétorsion commerciale de la part de la Chine existent, et il n’est pas impossible que les chinois demandent l’ouverture d’une enquête antidumping et antisubventions sur le vin./.
ORIGINE DE LA REPONSE : Ministère du Commerce extérieur