Publié le 08/03/2012

Présentation de Mme Carol SIROU, Présidente de Standard and Poor’s France devant l’Assemblée - 08 mars 2012

Présentation de Mme Carol SIROU, Présidente de Standard and Poor's (...)

Mme Carol SIROU, Présidente de Standard and Poor’s France s’est adressée à l’Assemblée le 08 mars 2012.

Mesdames, Messieurs,
Merci de m’accueillir en cette fin de matinée.

Je suis Carole SIROU, je préside le bureau parisien de Standard and Poor’s qui est une agence qu’on ne présente plus. On m’a demandé de présenter ce qu’est la notation. J’espère que cela pourra vous donner une illustration de ce qu’est notre métier, qui est souvent méconnu ou en tous les cas présenté de telle manière que pour des gens qui ne sont pas des spécialistes des marchés financiers est souvent un peu déroutante. J’espère en cette matinée, vous donner quelques pistes de lecture et surtout que nous pourrons avoir un échange, parce que cela me semble être la partie la plus intéressante en cette matinée.

Je vais essayer d’être aussi didactique que possible, sans tenir trop longtemps le micro.

Standard and Poor’s est une des trois grandes agences mondiales qui existe depuis 150 ans. On a souvent le sentiment que les agences sont nées très récemment, mais le métier existe depuis 150 ans. Il est né, certes aux États-Unis, à la fin du XIXe siècle, parce qu’il y avait à l’époque d’énormes besoins d’infrastructures et donc, besoin d’apprécier la qualité de crédit de ces nouveaux emprunteurs. C’était l’époque où l’on construisait des canaux, des chemins de fer aux États-Unis. Il y avait beaucoup de risques, beaucoup de faillites et un de nos ancêtres, Monsieur POOR’S a à l’époque commencé à faire un petit carnet qui appréciait le risque de crédit de ces sociétés et à les classer.

Voilà comment est née la notation, qui s’est ensuite progressivement développée, d’abord aux États-Unis et puis, depuis à peu près les années 70, à l’international.

Standard and Poor’s est, depuis les années 70, présent dans différents pays et notamment en Europe. C’est notre second marché après les États-Unis. Dans quelques années, nous serons à parité. L’Asie est aussi une zone en développement.

En ce qui concerne Standard and Poor’s, nous sommes présents à Londres depuis maintenant 26 ans et à Paris depuis 21 ans. Là aussi, c’est quelque chose qui est souvent méconnu. Des analystes sont présents, tous de nationalité européenne et nous sommes souvent brocardés comme étant des Américains. Nous sommes certes détenus par des capitaux américains et de culture anglo-saxonne – il ne faut ni le nier, ni se renier – mais nos équipes sont très décentralisées et sont européennes en ce qui concerne les équipes présentes dans notre région. Pour ce qui me concerne, puisque je dirige le bureau parisien de Standard and Poor’s, nous sommes 110 dans l’activité notation, avec une prédominance de Français et de Francophones. Cela montre bien qu’une équipe est présente, puisque nous avons fait le choix d’être près de nos clients et de bien comprendre comment cela se passe dans nos pays.

On pense qu’il n’y a toujours que trois agences dans le monde, mais il y en a des dizaines, dont trois ont une taille critique et couvrent tous les secteurs. Nous notons aussi bien des entreprises, des banques, des compagnies d’assurance, des États, des collectivités locales et également, la finance structurée. C’est ce qui caractérise les trois grandes, sachant qu’il y a des agences très actives dans certaines régions, dans certains pays. Par exemple, au Japon, ce sont des agences japonaises qui sont dominantes.

Qu’est-ce que la notation ? C’est cela le plus important à comprendre : la notation est une appréciation de la qualité de crédit d’un emprunteur. Cela n’est rien d’autre et cela n’est ni une bonne, ni une mauvaise note. Nous ne parlons pas ainsi. Nous disons : « Si vous achetez l’obligation – c’est donc de la dette et non des actions – de telle ou telle société, au regard de nos méthodologies, de notre expérience, de notre historique, nous pensons qu’il y a une probabilité de X qu’à terme vous soyez remboursés ». Donc, on donne une opinion sur le futur. C’est ce qui est très important et qui nous distingue par exemple des auditeurs. Ces derniers font une analyse sur les comptes du passé et selon une norme comptable ; nous nous appuyons énormément sur les comptes audités, bien entendu – c’est un autre métier – mais nous travaillons sur des ratios, sur des éléments quantitatifs et qualitatifs, pour donner une opinion sur la capacité future d’un emprunteur à rembourser sa dette.
On n’est pas plus madame Soleil que quiconque dans cette salle, mais nous avons une expérience, une connaissance sectorielle notamment, qui nous permet finalement d’apprécier ce risque futur, sans avoir la prétention de détenir la vérité. C’est pour cela qu’il est important que les notes soient suivies dans le temps.

Comme vous le voyez certainement sur les écrans, cela n’est pas une recommandation d’acheter, de vendre ou de conserver un instrument financier. C’est uniquement une appréciation sur un risque de crédit futur.

C’est important, parce que souvent, la note est perçu comme étant soit de donner un satisfecit, soit de dire « vous pouvez acheter telle ou telle note ». Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise notes, il y a des notes qui représentent des risques différents et pour chaque niveau de risque, des investisseurs sont là. Certains ne voudront pas prendre de risque du tout, donc vont généralement aller sur les notes les plus élevées. D’autres veulent du risque et donc du rendement. Il y a souvent un lien entre le risque et le rendement. Ils vont faire le choix de prendre des notes ou d’investir sur des papiers qui seront moins bien notés.

Mais, peut-être aurez-vous des questions, donc je passe rapidement.

L’échelle de notes, je ne sais pas si vous la voyez bien sur les écrans. Pour moi, c’est à peine visible. Éventuellement, nous pourrons faire circuler la présentation pour ceux qui sont intéressés. L’échelle va du fameux 3A jusqu’à D, qui est la situation actuelle de la Grèce, par exemple. D signifie défaut de paiement, c’est-à-dire qu’ils ne paient plus sur certaines de leurs dettes. Ce qu’il est important de comprendre, pour ceux qui sont actifs dans les marchés financiers, c’est qu’il y a une césure entre deux catégories. L’échelle est divisée en deux : la catégorie dite « d’investissement », pour laquelle en principe, il n’y a pas de risque de non remboursement ; et la catégorie dite « spéculative » où ce risque est identifié dès l’origine. Cela est très important, parce qu’en fonction de ces niveaux de notes, certains intervenants vont faire des choix de gestion ou calibrer leur politique d’investissement, sachant que cette césure est très importante. Pour vous donner une idée, quand on est dans la catégorie 3B, il y a plus de risques, mais en principe, pas de risque de non remboursement. Historiquement, en tout cas, chez Standard and Poor’s, un 3B donne une probabilité de défaut de l’ordre de 5 %. Donc, si vous achetez aujourd’hui une obligation d’un émetteur noté 3B, par exemple, nous avons publié hier la note de Heineken dans la catégorie 3B, ce qui pour le secteur des entreprises est une excellente note ; dans quinze ans, si tout se passe bien, c’est une probabilité de l’ordre de 5 % de taux de défaut. Si vous passez dans la catégorie 2B, là, on est tout de suite en dessous, dans la catégorie spéculative, historiquement, le taux de défaut des 2B se situe plutôt aux alentours de 20 %. Vous voyez bien qu’il y a une vraie césure avec notamment le risque dit de liquidités, c’est-à-dire de ne pas avoir le cash quand il le faut, qui est très important en catégorie spéculative.

Ce qu’il est intéressant de regarder, parce qu’il est vrai que surtout dans les médias, hors du 3A, point de salut, vous pouvez voir l’histogramme, finalement, sur les notes au niveau mondial, il y a une répartition très concentrée autour des 3B et 2B. Pour illustrer mon propos de tout à l’heure, il y a des investisseurs pour chaque niveau de note. Certains vont vouloir des choses très peu risquées, mais aussi très peu rémunérées ; d’autres vont vouloir investir dans une note 3B, finalement un taux de défaut assez faible sur 15 ans, mais qui va donner plus de rendement. Ce que l’on voit actuellement, c’est finalement un changement de structure dans le financement au niveau mondial des entreprises. Historiquement, aux États-Unis, vous aviez un tiers de financements bancaires, deux tiers de financements dits désintermédiés, donc obligataires et en Europe, c’était l’inverse. Ce changement est en train d’intervenir, avec une augmentation importante des émetteurs corporate. On estime que d’ici cinq à dix ans, nous devrions être en Europe à un niveau de financement désintermédié qui sera plutôt à 50/50. Cette désintermédiation s’accompagnera par une augmentation importante du nombre des entités notées 3B et 2B, parce que structurellement, ce sont des entreprises qui ont un risque de cette nature, qui sont un peu plus vulnérables, mais qui restent de très bons risques si l’on souhaite les accepter et donc, mieux rémunérées.

Je vous parlais tout à l’heure des différentes catégories. Ce que nous mesurons, cela devient plus technique, c’est ce que les investisseurs achètent quand ils achètent une note, c’est cette compréhension du risque représenté par le niveau de note. Il est important pour nous de vérifier que les notes les plus élevées ont un risque inférieur aux notes les plus basses et que dans le temps, elles mettent moins de temps à faire défaut.

Si ces deux éléments se traduisent dans la réalité, parce qu’on regarde notre performance passée, on considère que notre travail est bien fait.

Peut-être y aura-t-il des questions sur les subprimes, cela ne s’est pas avéré et donc là, on considère qu’il y a de vrais soucis sur nos méthodologies ou notre appréciation du risque.

Peut-être un petit point, parce que cela nous touche plus particulièrement, on parle beaucoup des notes, on oublie souvent de parler des perspectives et des mises sous surveillance. La notation est un outil technique, ni un outil politique, ni a fortiori un sujet médiatique. Mais, les choses sont ainsi faites. La notation, ce sont des méthodologies appliquées à un émetteur synthétisé dans quelques lettres, mais qui reflètent toute une analyse. Chaque note est accompagnée d’une analyse. Et à la note est associée ce que nous appelons une perspective, qui donne la tendance à dix-huit mois, deux ans, sur cet émetteur.

En ce qui concerne la France, désormais, la note est AA+, avec une perspective négative. Nous considérons qu’il y a des risques dans les prochains mois, qui font que la note pourrait être à nouveau abaissée si ces risques s’avéraient.

L’autre outil, c’est la mise sous surveillance, qui est en fait une alerte qui permet d’alerter les investisseurs sur le fait que l’on est en train de regarder. C’est un peu dire : « Attention, nous regardons et nous allons nous prononcer sur ces notes dans les prochains mois ».
Voilà ce qu’est la notation.

Un point sur la règlementation. Les agences de notation sont certainement un des derniers acteurs à avoir été réglementés, puisque cela date de 2004 aux États-Unis et c’était d’abord par l’autorégulation l’OICV et ensuite, par la SEC ; depuis 2010, en Europe, avec un règlement important qui structure beaucoup la manière dont nous travaillons, sachant qu’il y a actuellement en plus un projet au niveau européen. Le Sénat vient de donner son appréciation sur ce texte, avec un vote prévu à la fin du printemps. Ce texte vise à assurer une plus grande concurrence et à réduire la dépendance des marchés et notamment des règles prudentielles aux agences de notation.

Ces différentes réglementations, qu’elles soient européennes ou mondiales, visent à assurer l’intégrité du processus analytique. Les plus grandes agences de notation sont financées par les émetteurs, alors qu’elles travaillent pour le compte des investisseurs. Il y a donc de facto un risque de conflit d’intérêt, qui doit être géré. Tous les modèles économiques ont ce même risque, il s’agit donc de le gérer. Les différentes règlementations s’attachent aussi à ce que le processus analytique soit de qualité.

Donc, beaucoup de règlementations au cours des dernières années, qui ont été pour nous très structurantes, avec des changements réglementaires un peu en continu, ce qui donne une forme d’instabilité, avec les difficultés de tout régulateur, à savoir de créer des distorsions puisqu’actuellement, cela est valable pour les banques, les assurances, les agences de notation, le gros sujet est d’éviter le feuilletage réglementaire et surtout, éviter qu’entre les différentes géographies, il y ait des contradictions entre les différents objectifs, surtout pour des outils pour des acteurs mondiaux comme les banques, ou nous-mêmes, agences de notation.

Je vous propose de m’arrêter là. J’avais d’autres slides, mais je pourrais parler sur beaucoup de sujets et nous pouvons peut-être prendre les questions, si vous en êtes d’accord, Madame la Présidente.