Olivier PITON
Publié le 28/02/2018

Olivier PITON

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Dons d’organes : Impact de l’application de l’article L1232-1 du code de la santé publique aux Etats Unis

Session de mars 2018 - Question orale n°1 de M. Olivier PITON, conseiller consulaire à Washington et conseiller AFE pour les Etats-Unis

Depuis le 1er janvier 2017, du fait de l’impact de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé, l’article L1232-1 du code de la santé publique est modifié dans les termes suivants :

Le prélèvement d’organes sur une personne dont la mort a été dûment constatée ne peut être effectué qu’à des fins thérapeutiques ou scientifiques.
Le médecin informe les proches du défunt, préalablement au prélèvement envisagé, de sa nature et de sa finalité, conformément aux bonnes pratiques arrêtées par le ministre chargé de la santé sur proposition de l’Agence de la biomédecine.
Ce prélèvement peut être pratiqué sur une personne majeure dès lors qu’elle n’a pas fait connaître, de son vivant, son refus d’un tel prélèvement, principalement par l’inscription sur un registre national automatisé prévu à cet effet. Ce refus est révocable à tout moment.
L’Agence de la biomédecine est avisée, préalablement à sa réalisation, de tout prélèvement à fins thérapeutiques ou à fins scientifiques.

Depuis le 1er Janvier 2017, le médecin ou le centre hospitalier responsable de la mise en application du "Protocole sur le Prélèvement d’organes Maastricht III" n’a plus l’obligation de se livrer, par tout moyen, à la recherche de l’opposition au don d’organes, soit par l’expression directe de la volonté du défunt, soit par l’expression de cette volonté auprès des proches de celui-ci. Seule l’obligation d’information des proches est maintenue, mais la décision du prélèvement semble relever désormais seule du médecin.

De plus, le code de la santé publique ne semble pas limiter la notion de « personne » sujette à cet article aux personnes de nationalité française, mais à toute personne présente sur le territoire national au moment de son décès, quelle que soit sa nationalité.

Or, le principe du consentement au don d’organes dans les 50 Etats américains est exactement l‘inverse du principe renforcé par le nouvel article L1232-1, à savoir le silence valant refus du don, et la plupart des 50 états prévoyant un registre identifiant l’acceptation affirmative du don d’organes.

Ni les personnes binationales ou de nationalité américaine soumises à la règle du consentement explicite dans leur juridiction d’origine et assumant que le silence vaut refus du don, si elles sont présentes en France au moment de leur décès, ne peuvent être considérées comme avoir abandonné leur droit du refus du fait de leur non-enregistrement au registre des refus en France. En effet, celles-ci n’auront effectué aucune démarche dans ce sens dans leur état de résidence, ou, pire encore, auront exprimé ce refus de don dans une disposition testamentaire enregistrée en général aux Etats-Unis auprès d’un avocat. Par défaut, à la lecture du nouvel article L1232-1 du code de la santé publique, ces personnes qui décèdent en France, et en l’absence d’une déclaration formelle détenue par la famille, seraient considérées comme donneuses d’organes.

La primauté du lieu du décès, suggérée mais pas établie par la Directive 2010/45/UE du Parlement Européen et du Conseil du 7 Juillet 2010 Relative aux Normes de Qualité et de Sécurité des Organes Humains destinés à la Transplantation (Chapitre 2, Article 4), sera bien évidemment contestée, soit par la famille non-résidente du défunt, soit par la succession de celui-ci, qui, je vous le rappelle, est une personnalité morale aux Etats-Unis, dont le fiduciaire a l’obligation de poursuivre tous les tiers engagés en responsabilité civile.

En effet, si la primauté du lieu du décès peut relever du code de la santé publique, et nonobstant toute possibilité de recours en droit français ou en droit européen, le contrôle du corps et les dernières volontés du défunt américain ou binational relèvent du droit commun américain, qui peuvent avoir juridiction en France ou qui peuvent entrainer la reconnaissance de jugements aux Etats-Unis contre des parties françaises. Bennett v. Islamic Republic of Iran.

Tout d’abord, Aux Etats-Unis, le droit à la « possession » du corps et de son inhumation appartient au conjoint ou à la famille « proche » du défunt. Sherman v. Sherman. Radomer Russ-Pol Unterstitzung Verein c. Posner.

Le fait de retirer des organes sans le consentement explicite du défunt peut donner lieu à une responsabilité civile pour atteinte au droit d’inhumation. (« [t]oute personne qui, intentionnellement, imprudemment ou par négligence, retire, retient, mutile ou opère sur le corps d’un défunt ou empêche sa protection ou incinération est passible de responsabilité civile auprès d’un membre de la famille du défunt qui détient le droit de disposer du corps »).

La famille pourra alors demander des dommages et intérêts car le retrait des organes sans permission expresse était une opération intentionnelle sur le défunt. Kirker v. Orange County.
Enfin, les avocats aux Etats-Unis sont soumis à l’obligation professionnelle de prévenir leurs clients des risques de remises en cause de leurs droits en cas de voyage en France, si ces risques sont connus et probables. De de fait, je souhaiterais pouvoir obtenir du Gouvernelment les réponses aux questions suivantes :

 1. L’article L1232-1 du code de la santé publique en date du 1er janvier 2017 s’applique-t-il bien à toute personne présente sur le territoire national au moment de son décès, quelle que soit sa nationalité ?

 2. L’Agence de biomédecine prévoit-elle de mettre à jour le Protocole sur le Prélèvement d’organes Maastricht III aux fins de refléter le nouvel article L1232-1 du code de la santé publique ?

 3. L’Agence prévoit-elle d’imposer aux établissements hospitaliers un protocole particulier concernant les personnes décédées binationales ou étrangères provenant d’une juridiction soumise au consentement explicite en dehors de l’Union Européenne ?