Alexandre CHATEAU-DUCOS
Publié le 16/02/2017

Alexandre CHATEAU-DUCOS

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Danger de la prolifération nucléaire

Session de mars 2017 - Question orale n°6 de de M. Alexandre CHATEAU-DUCOS, conseiller consulaire(Luxembourg) et conseiller AFE (Bénélux)

La France a ratifié de traité de Non-Prolifération (TNP) des armes atomiques. Depuis la signature en 1968, elle n’en respecte pas les termes essentiels contenus dans l’article 6 qui enjoint aux signataires leur élimination. Cette question cruciale pour l’avenir de l’humanité, les citoyens français, aussi bien ceux qui résident en métropole qu’évidemment tous les français dispersés à travers le monde, doivent se l’approprier. Au niveau des états, 6 pays ont déposé le 28 septembre 2016 un projet de loi pour interdire les armes nucléaires, ceci lors de l’Assemblée Générale de l’ONU. Nous sommes déjà confrontés à une éventuelle extinction, la 6e qu’ait connu la terre, du fait du réchauffement climatique. Ne rajoutons pas à cette menace planante celle de l’apocalypse nucléaire. Au-delà de l’arme atomique proprement dite, il en va de même des munitions contenant des particules radioactives permettant la précision du guidage et qui participent à la dissémination artificielle de radioéléments ou encore des recherches menées à but militaire d’armes d’infanterie contenant des charges radioactives.

Le référendum « d’initiative partagée » soutenu par un certain nombre de parlementaires toutes tendances confondues ainsi que par Paul Quilès, ancien ministre de la défense, serait l’occasion de montrer la volonté des Français d’éliminer cette violence latente et d’ouvrir la voie à la dénucléarisation générale qui affirmerait le droit des peuples à refuser l’irréparable catastrophe.

L’AFE a initié une prise de conscience de l’importance de notre seul bien le plus précieux, notre planète, via la création d’un prix du Développement Durable propre à l’Assemblée. L’arrêt des programmes et la destruction des armements nucléaires entre pleinement dans cet esprit de sauvegarde de notre habitation commune.

Pouvez-vous préciser à l’AFE quelle est la position du MAEDI pour protéger les Français où qu’ils se trouvent face au danger de la prolifération nucléaire ?

Dans son discours sur la dissuasion nucléaire prononcé à Istres le 19 février 2015, le Président de la République a déclaré qu’il « partage l’objectif, à terme, de l’élimination totale des armes nucléaires quand le contexte stratégique le permettra. La France continuera d’agir sans relâche dans cette direction. Elle le fera avec constance, avec transparence, avec vérité, avec sagesse et en bonne intelligence avec les Alliés. ». Il a également rappelé que « Le désarmement nucléaire ne peut pas être une incantation ou même une invitation ! Il doit être démontré et d’abord par l’Etat qui le proclame. ». A cet égard, la France est sans doute l’Etat doté à avoir fait les efforts les plus concrets et significatifs :

La France n’a pas participé à la course aux armements nucléaires. Elle a maintenu son arsenal nucléaire au niveau le plus bas possible, compatible avec le contexte stratégique, en application du principe de stricte suffisance. Depuis la fin de la guerre froide, la France a pris des mesures unilatérales considérables : démantèlement irréversible des installations de Pierrelatte et Marcoule consacrées à la production des matières fissiles pour les armes nucléaires ; démantèlement complet de la composante sol-sol ; réduction d’un tiers de la composante océanique et de la composante aéroportée ; démantèlement irréversible du site d’essais dans le Pacifique et ratification du traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) ; dé-ciblage des armes nucléaires françaises. Nous avons également procédé au démantèlement de sous-marins et à la sécurisation de leurs combustibles en Russie au titre du PMG8, à hauteur de 55 millions d’euros, notamment sur les sites de Gremikha et Zvezdochtka.

La France a également ratifié les protocoles aux traités instituant des zones exemptes d’armes nucléaires (ZEAN) en Amérique latine et Caraïbes, en Océanie-Pacifique, en Afrique, en Asie centrale. Dans le cadre de ces protocoles elle s’est engagée auprès d’une centaine d’Etats de ne pas utiliser ou menacer d’utiliser des armes nucléaires contre ces pays. Ces garanties dites « garanties négatives de sécurité » ont été réitérées par le Président de la République pour tous les Etats non dotés d’armes nucléaires respectueux de leurs engagements de non-prolifération. La France a par ailleurs fait preuve d’une volonté de transparence en détaillant la composition de son arsenal nucléaire et en exposant régulièrement sa doctrine de dissuasion. La France a également soutenu la dénucléarisation de l’Ukraine.

Outre ses engagements, la France met en œuvre des moyens techniques importants, ainsi que des procédures strictes, rigoureuses et efficaces permettant d’éviter un emploi accidentel de l’arme nucléaire.

La France a donc été exemplaire en matière de désarmement nucléaire et s’est pleinement conformée à ses engagements au titre de l’article VI du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, dans le cadre d’une approche progressive et pragmatique, de façon à promouvoir la stabilité, la paix et la sécurité internationales, sur la base d’une sécurité non diminuée et plus grande pour tous.

L’initiative ouvrant les négociations sur un traité d’interdiction des armes nucléaires ne prend pas en considération les enjeux de sécurité internationale, dans un contexte de tensions accrues, en particulier dans l’espace euro-atlantique et en Asie. Comme l’avait souligné le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, les menaces de la force restent bien présentes.

D’une part, des Etats continuent de proliférer et de menacer la paix et la sécurité internationales. En dépit de l’accord de Vienne sur le programme nucléaire iranien, l’incertitude demeure quant à sa pérennité au regard des déclarations de la nouvelle administration américaine et de l’ambigüité de la posture des Iraniens. D’autres Etats continuent de proliférer et de menacer la paix et la sécurité internationales. La Corée du Nord a mené, pour la seule année 2016, deux essais nucléaires et plus de 20 tirs de missiles balistiques qui démontrent la détermination du régime à se doter d’un arsenal nucléaire performant et à bouleverser les équilibres stratégiques. La Syrie a employé des armes chimiques et reconstitue son arsenal balistique après avoir utilisé de manière intensive ses missiles de courte portée contre sa propre population.

D’autre part, l’unité du P5 est remise en cause par les gesticulations nucléaires de la Russie, la dégradation des relations américano-russes et le souhait chinois de moderniser son arsenal. Alors que sa doctrine a peu évolué, la Russie adopte un discours agressif qui vise à assurer une parité stratégique avec Washington et mettre à l’épreuve la cohésion de l’Alliance Atlantique. A ces fins, Moscou multiplie les déclarations provocatrices, soulignant sa détermination à crédibiliser sa posture de dissuasion. Cette posture a contribué à l’accroissement des tensions américano-russes depuis 2014 qui portent un coup aux instruments de maîtrise des armements, conclus dans un cadre bilatéral mais contribuant à l’architecture de sécurité européenne (FNI, New Start, PMDA). La Chine quant à elle modernise son arsenal et entretient le flou sur le développement de ses capacités et de sa doctrine.

Dans ce contexte stratégique particulièrement volatile, la politique de sécurité et de défense française, tout comme celle de nos Alliés et d’autres partenaires proches, repose en partie sur la dissuasion nucléaire qui ne saurait pas être considérée aujourd’hui comme dépassée. Un traité d’interdiction des armes nucléaires affecterait la stabilité et la sécurité internationales dans des régions essentielles pour les intérêts français de sécurité. En outre, l’adhésion au traité d’interdiction des armes nucléaires serait contraire aux engagements pris par les Alliés dans le cadre de l’OTAN.

En outre, les Etats-Unis et la Russie possèdent encore près de 90 % du stock mondial d’armes nucléaires. Les deux ont chacun près de 2000 armes stratégiques opérationnelles. Ils ont aussi des stocks d’armes nucléaires stratégiques et des armes nucléaires tactiques. Comme l’a dit le Président de la République dans son discours d’Istres, lorsque les niveaux des autres arsenaux, notamment russes et américains, descendraient à quelques centaines, « la France en tirerait des conséquences, comme elle l’a toujours fait ».

A l’instar des autres Etats dotés d’armes nucléaires et de 77 autres Etats membres de l’Assemblée générale des Nations unies, la France a, pour ces raisons, choisi de ne pas soutenir le lancement de la négociation d’un tel traité, tout à la fois irréaliste et inefficace.

Nous poursuivrons en revanche notre action résolue et déterminée en faveur du désarmement nucléaire, de manière pragmatique et dans un cadre seul à même d’assurer sa crédibilité, son efficacité et sa légitimité.

Origine de la réponse : Sous-direction du désarmement et de la non-prolifération nucléaire