Publié le 10/03/2011

Intervention de M. Pierre Lellouche, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, devant l’AFE.

Intervention de M. Pierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du (...)

M. Pierre Lellouche s’est adressé aux membres de l’AFE le 10 mars 2011

Je suis très heureux d’être là, de retrouver cette salle. Depuis que l’on m’a déménagé à Bercy, je n’ai plus eu d’occasion d’y revenir. La dernière fois que j’étais ici, c’était avec mon excellent camarade de jeu Bernard KOUCHNER, avec les ambassadeurs. Là, je parle aux représentants des Français de l’étranger, tous bords confondus, j’en suis vraiment heureux. Je salue les Sénateurs, qui sont là, qui représentent, sont élus par vous, le Président de la Chambre internationale et de la Chambre de Paris Île-de-France, toutes les personnalités que je devine, un certain nombre d’entre vous que je connais déjà, de droite, de gauche, du centre, qui tous autant que vous êtes, représentez la France à l’étranger. Je crois qu’en guise d’introduction, – ce n’est pas de la blague ou de la flagornerie je voudrais vous dire merci, parce que nous avons 2,2 millions de Français qui vivent hors de nos frontières. Certains près de chez nous (Monsieur GIRAULT n’est pas loin), d’autres beaucoup plus loin, voire très loin. Vous représentez des personnes qui se battent pour des entreprises françaises, le plus souvent, qui avez passé votre carrière, avez eu des enfants là-bas. C’est parfois difficile pour les uns ou les autres, il y a des problèmes d’isolement, de famille, d’amis, mais dans tous les cas, vous représentez la France au même titre que nos ambassadeurs, notre langue, notre culture, notre savoir-faire, ce que nous faisons de mieux. Parce que nos entreprises qui exportent, en général, sont celles qui innovent, qui ont quelque chose à vendre, de compétitif et donc voilà, merci beaucoup.

J’ai donc depuis trois ou quatre mois, en charge ce dossier qui est réellement passionnant, extrêmement difficile. J’ai l’impression d’être le fantassin en première ligne de la vraie guerre aujourd’hui dans le monde, c’est-à-dire de la guerre économique. C’est une mission redoutable.

Pour que vous compreniez bien ce qui anime l’action que j’essaie de mener pendant le CDD qui est le mien – il ne vous a pas échappé que l’année prochaine, il y avait des élections et donc, je considère que j’ai un CDD – j’ai une mission d’environ une année utile ; j’essaie de la rendre vraiment utile et donc, de dépoter là où il faut que les choses soient faites. Parce que, quelle que soit la couleur du gouvernement, l’année prochaine, les marges de manœuvre ne sont pas grandes et la guerre économique est là devant nous.

Pour comprendre ce qui m’anime, je voudrais partir d’une chose très simple. Dans les économies, aujourd’hui, en Europe et même aux États-Unis, les emplois créés ne peuvent l’être qu’à l’export. Le marché intérieur en Europe et même aux États-Unis ne suffit plus à créer des emplois. C’est basique à comprendre : nous avons 100 000 jeunes qui arrivent sur le marché par an, il nous faut trouver au minimum 100 000 emplois et l’année dernière, nous en avons créé 150 000, mais perdu 500 000 à cause de la crise. Donc, si nous voulons créer des emplois, il faut être capable d’exporter. C’est aussi basique que cela. Quand nos exportations reprennent – et elles ont repris au niveau de la croissance mondiale ; nous avons fait + 13,5 % en 2010 en ligne avec la croissance mondiale des échanges – quand nous faisons 37 milliards d’euros, nous créons ou préservons 120 000 emplois. Donc, le jeu consiste à créer des parts de marché, faute de quoi, nous rentrons dans la spirale de l’endettement, de la destruction du tissu industriel et des choses particulièrement dangereuses.
Mais, avant de revenir sur tout cela, vous connaissez les ordres de grandeur. La France est encore la cinquième puissance exportatrice mondiale, la deuxième en Europe. À la limite, nous pourrions nous contenter de ces deux chiffres. Nous pourrions aussi dire que même si notre déficit, l’année dernière, a tourné autour de 51 milliards d’euros, la facture énergétique étant de 48, ce n’est pas déshonorant.
Je trouve que ces chiffres ne sont pas bons. Je l’ai dit dès ma prise de fonction et je continue à penser que ce sont des chiffres extrêmement sérieux et préoccupants. Pourquoi ? Parce qu’il faut que nous soyons capables de nous comparer avec ce qui est comparable, c’est-à-dire avec notre voisin allemand. L’année dernière, il était à + 126 milliards d’excédents commerciaux. + 126 d’un côté, - 51 de l’autre, l’écart avoisine les 200 milliards d’euros, soit 10 points de PIB. Si nous voulons rester dans le wagon de tête de l’Union européenne, plutôt que dans la locomotive, à l’intérieur de la même zone monétaire et peser autant sur le destin de l’Europe que nos voisins allemands, nous ne pouvons pas nous contenter d’un différentiel aussi vaste entre nous et l’Allemagne. Il faut donc que nous soyons capables de remédier aux faiblesses de notre appareil d’exportation et c’est là que cela devient compliqué et que j’ai décidé de consacrer mon CDD, aux choses difficiles. J’aurais pu me contenter de dire : « nous sommes le cinquième, le deuxième, c’est ainsi ! ». Beaucoup font cela, croyez-moi.
Puisque vous êtes également en première ligne, je vais essayer de partager avec vous quelques réflexions sur ce qui ne va pas dans notre système. C’est moins drôle que ce qui va, mais c’est aussi mon devoir de regarder les choses en face et d’essayer de les régler.
Le premier point, c’est que notre appareil à l’export est surdépendant par rapport au marché européen, bien plus que les Allemands. Nous vendons plus de 60 % de nos exportations à l’intérieur du marché européen et nous avons beaucoup de mal à aller au-delà. Les Allemands, nos principaux concurrents, sont bien plus présents sur les marchés émergents, ce qui leur permet une croissance plus grande. La croissance existe dans le monde, vous le savez bien. La croissance mondiale moyenne, c’est 4,5 % en Asie, en Chine elle est de 9 à 10 % ; en Turquie elle est de 9 %. Il faut donc aller chercher cette croissance là où elle se situe si nous voulons créer de la croissance et donc des emplois chez nous. C’est ce qui explique le différentiel entre la France et l’Allemagne. Quand nous faisons 1,5 % de croissance, les Allemands font 3,5 % dont un tiers provient de la croissance à l’export. Il nous faut donc être moins dépendants du marché européen et plus à la recherche de marchés dans les briques (grands émergents). En moyenne, encore une fois, le différentiel entre nous est les Allemands est de 1 à 4. Quand nous sommes en Chine à hauteur de 1,5, 1,6, 1,7, ils sont à 7,5, 8. C’est un peu toujours le même ratio. Au Japon, où j’étais la semaine dernière, nous sommes à 1,3 ; ils sont 4 fois plus présents que nous.

Autre sujet de préoccupation, notre surdépendance en matière d’exportations tirées par nos grands groupes par rapport à note tissu de PME qui a besoin d’un vrai coup de main. À partir de là, mon métier se déroule en trois priorités et il faut savoir que dans notre système, en France, c’est un peu spécial parce que mon métier tel qu’il existe en France n’existe pas nécessairement chez nos voisins allemands, chez les Américains ou les Japonais. Dans la plupart des cas, le ministre du Commerce extérieur est un trade negociator, c’est un négociateur qui s’occupe de l’OMC, des relations avec la commission qui, elle-même, négocie au nom de l’Europe. Cela ne fait qu’une partie de mon travail. Le reste consiste en des trade promotion, à savoir d’essayer de vendre la France et de vendre nos entreprises, ce qui est un autre métier. En Angleterre, ils ont deux ministres pour ce faire, un trade negociator et ils viennent de nommer l’ancien président de HSBC pour la trade promotion. Donc, premier travail, les négociations commerciales ; deuxième travail, les grands contrats en accompagnement du travail du Président de la République et du Premier ministre ; troisième travail, les PME et nos entreprises de taille intermédiaire.

Un mot sur le commerce international qui, vous le verrez cette année, sauf événement grave supplémentaire dans le monde arabe, nous sommes plutôt partis pour une reprise des négociations OMC et peut-être pour un atterrissage en fin d’année. Nous nous préparons à travailler très fort sur la conclusion du cycle de Doha. L’Union européenne négocie aussi un certain nombre d’accords, clés de libre échange avec le Canada, Singapour, l’Inde et nous avons une négociation en cours avec le Mercosur. Dans tous ces cas, la France ne négocie plus en direct, puisque la négociation est transférée au Commissaire de GUCHT. Mon rôle d’intermédiaire n’est pas toujours facile. Mon travail consiste à dire quelles sont les lignes rouges françaises, dans la position de négociation synthétique que Monsieur de GUCHT va prendre au nom de l’Union européenne. Mais, il décide souverainement d’harmoniser les intérêts communs de l’Union européenne.

Nous avons aussi une négociation avec la Russie, d’accession à l’OMC.
Dans l’ensemble de ces négociations, nous sommes vigilants sur un certain nombre de points sur lesquels je voudrais brièvement insister. D’abord, un mot clé : la réciprocité, que nous avons réussi à inscrire dans les documents de l’Union européenne. Il faut que dans la négociation et notamment avec les grands émergents, l’Europe, qui est le plus grand marché commercial du monde, qui est ouverte, obtienne les mêmes conditions que les autres. Ainsi, l’affaire des marchés publics : une grande compagnie chinoise – pour ne nommer personne – vend des autoroutes en Pologne avec de l’argent du contribuable européen, puisque cette société chinoise a remporté un marché public ouvert. La loi européenne dit : « Il faut ouvrir les marchés publics ». Très bien ! Mais, à tout le moins, il serait normal de demander que les entreprises européennes puissent soumissionner pour construire des autoroutes en Chine. On n’y est pas franchement ! Il en va de même pour des trains. Quand une société japonaise vend des trains ou est sur le point de signer un marché public sur une ligne de TGV en Angleterre, à partir d’un contrat de marché public qu’elle a remporté, à tout le moins, il ne serait pas anormal que les sociétés européennes comme Siemens ou Alsthom puissent soumissionner pour vendre des trains au Japon. Mais, figurez-vous que les conditions sismiques au Japon sont telles que malheureusement, il est interdit aux sociétés européennes de soumissionner.

Je crois qu’il est temps que nous soyons peut-être un petit peu moins naïf et que nous comprenions que les règles du commerce international doivent être équitables. Ce n’est pas protectionniste de dire cela. Le libre-échange, ce sont des règles et des règles qui doivent valoir pour tous. Mais, croyez-moi, pour faire entendre cette question de simple bon sens, cela n’a pas été simple. Nous avons réussi à mettre ce mot de réciprocité dans les textes de l’Union européenne ; maintenant, il faut le mettre en pratique et cela crée débat. Il faut une directive. J’espère qu’un texte européen nous permettra de réagir dans de telles situations, avant l’été. Mais, tout cela demande énormément de travail et toutes nos équipes, au Trésor, au Quai d’Orsay, à Bruxelles, sont mobilisées pour avancer sur ces sujets.

La naïveté, cela concerne aussi la protection de nos secrets industriels, de nos technologies. Cela concerne la protection de la propriété intellectuelle. Là aussi, il y a des accords internationaux, de la même façon qu’il y a un accord OMC sur l’égalité de traitement en matière d’accès aux marchés publics, il existe un accord ACTA sur la propriété industrielle. Il serait bien de le voir appliqué. Chaque fois, ces négociations commerciales sont incroyablement techniques et très politiques. Les enjeux sont énormes : pour ne citer que les marchés publics, c’est 15 % du total des investissements… C’est de l’emploi dans nos usines, dans nos régions.

Ceci est le premier volet, très technique, tout à fait essentiel. Notre agenda avec les accords du libre-échange est très chargé cette année.
Un mot sur l’agriculture. Là aussi, c’est une ligne rouge absolument fondamentale. Quand on a la chance d’avoir une agriculture parmi les toutes meilleures du monde, une industrie agroalimentaire reconnue parmi les premières du monde, on la défend. Et l’accord Mercosur pose des problèmes de survie notamment à nos éleveurs et nous sommes extrêmement attentifs sur ce point, de même que je suis très attentif à promouvoir l’industrie agroalimentaire française. J’en ai fait une priorité. Pour vous donner une idée, c’est 250 000 emplois, 15 % de nos exportations. Ce n’est pas rien ! Alors, une chose est de se réjouir d’avoir obtenu – grâce à l’action du Président de la République – le fameux label UNESCO sur le patrimoine mondial de l’humanité pour la gastronomie française ; une autre est de prendre conscience qu’en dix ans, nous avons perdu le tiers de nos parts de marché. Nous sommes passés de 9 % à 6 % du marché mondial et aujourd’hui, les Allemands nous sont passés devant. J’aime bien les Allemands, ce sont nos partenaires. Je suis très admiratif de leurs machines-outils. Mais enfin, pour la gastronomie, j’ai du mal à comprendre, il y a quelque chose qui m’échappe. Enfin, cela ne m’échappe pas, parce que j’ai regardé de très près pourquoi et je sais pourquoi. Je crois surtout qu’il faut que nous soyons beaucoup plus agressifs sur les marchés à l’export et que nous pouvons être le meilleur pays en termes de gastronomie et se faire « tailler les croupières » par des marchands de pizza, de pâtes ou de jambon industriel. Il faut donc que nous soyons plus agressifs, d’où la campagne que j’ai lancée, qui s’appelle en bon français « So French, so good » parce que je me moque de savoir quelle langue nos consommateurs ; je veux qu’ils achètent des produits français. Et donc, nous essayons d’être extrêmement présents dans 170 salons à travers le monde, pour leur donner des véhicules commerciaux. Nous avons mobilisé tout l’appareil d’État, tout Ubifrance, tous nos conseils commerciaux et nous essayons de faire participer le maximum de PME à cet effort parce que nos régions produisent des produits formidables, mais il faut qu’ils soient vendus.

Deuxième grand volet, les fameux « grands contrats ». Il s’agit d’Airbus, des centrales nucléaires, des centrales thermiques, de l’eau, du traitement des eaux, des trains. Et là, le gouvernement est totalement mobilisé. À tel point qu’en 2010, nous avons plutôt été assez bons. Nous avons fait 21 milliards d’euros de contrats (+ 40 % par rapport à 2009). Nous nous sommes organisés, depuis l’Élysée, avec quelque chose de très solide dans ce domaine. On a beaucoup travaillé au financement des grands contrats, devenu une zone de compétition très forte, notamment avec la Chine. Non seulement, les clients d’hier arrivent avec la technologie d’aujourd’hui, mais aussi avec le chèque et le financement. Le ministère des Finances, Bercy, le Trésor doivent donc être organisés pour avoir des solutions de crédit pour nos entreprises. Nous y travaillons. Nous sommes totalement mobilisés sur ce point, avec la politique d’assurance-crédit que nous préparons pour 2011, le ciblage sur un certain nombre de contrats stratégiques. Je ne vais rentrer dans les détails, mais nous sommes très mobilisés là-dessus.

Deuxième mobilisation, il faut que la filière à l’export soit beaucoup plus organisée. Vous avez vu ce qu’il s’est passé en matière nucléaire à ABU DABI. Vous avez vu aussi les décisions qui ont été prises tout récemment au Conseil de politique nucléaire. Filière par filière, des choix industriels s’imposent, de façon à rendre plus efficace notre présence et notre offre sur les marchés internationaux.
Sur les grands contrats, tout mon travail et mes déplacements sont calés par rapport au degré de maturité ou d’urgence de telle ou telle négociation, de telle ou telle visite présidentielle ou du Premier ministre. Nous travaillons vraiment en équipe sur ces sujets et donc, je vends avec d’ailleurs beaucoup de fierté – je suis très fier d’être le VRP d’un certain nombre de sujets, des barrages pour EDF, des centrales nucléaires, des Airbus la semaine dernière au Japon (les 16 premiers), j’espère le train « made in La Mecque » en Arabie Saoudite, j’en passe et des meilleures, ce sont les grands contrats très importante pour notre pays.

Enfin, les PME. C’est là qu’à mon avis, nous avons une marge de progression très importante, mais également très difficile. Quelques chiffres, en soi, indiquent ce problème. En France, ce sont les PME qui emploient le plus de personnes, pas les grands groupes. Les PME à l’export, en France, sont au nombre de 87 700, soit 90 % du nombre total d’exportateurs, mais seulement 40 % des volumes. À côté, nous avons une économie allemande qui a 400 000 PME à l’export. Nous avons donc une compression du nombre de nos PME et c’est ce qui me soucie le plus, puisque l’on retrouve ce différentiel également au niveau du volume des exports.

J’en ai parlé maintes fois à nos présidents de chambres et j’y consacre beaucoup de mon temps et de mon énergie, chaque semaine, en région, j’essaie de tenir les deux bouts de la chaîne : les voyages à l’étranger pour promouvoir les négociations ou les contrats ; les voyages en région au plus près de notre tissu économique. Le problème posé est très simple : il existe une demande internationale entre 5 et 10 % par an et une offre française en région. Le travail consiste à mettre l’offre française le plus en amont possible et de la façon la plus adaptée possible en face de cette demande. Pour cela, nous regardons de façon très systématique, la totalité de la chaîne de l’export.

La ligne d’avant est celle de l’État français, là où c’est notre métier, nos postes diplomatiques dans lesquels les conseillers commerciaux dépendent de moi, du Trésor ; c’est Ubifrance, qui est un établissement public issu de l’ancienne DREE et présent dans une cinquantaine de pays, qui fait du bon travail, une sorte de révolution copernicienne où l’on a pris les anciens fonctionnaires du ministère des Finances, que l’on a transformés en accompagnateurs et en vendeurs de PME. Cette première ligne, à laquelle nous allons adjoindre un certain nombre de chambres de commerce internationales à l’étranger, dans un certain nombre de pays – l’État ne peut pas être partout. Nous faisons un partenariat avec le secteur privé, comme au Maroc. Il y en aura d’autres. Nous essayons d’avoir une première ligne de front aussi efficace que possible, dans l’analyse de la demande, l’anticipation des besoins du pays où nous sommes, et nous regardons ensuite comment accompagner les entreprises qui vont venir de France.

Pour aller les chercher, il faut entrer dans la ligne du milieu ou les lignes arrière. C’est là que cela se complique. Parce que les lignes arrières ne dépendent plus de l’État. Elles dépendent beaucoup des Régions, parfois des Départements, parfois des villes… Il y a une multitude d’intervenants : les chambres de commerce, départementales, régionales, les Régions, les syndicats professionnels en matière de vin, par exemple, les filières s’organisent elles-mêmes à l’export – et donc, vous avez un enchevêtrement de systèmes qui sont plus ou moins clairs, avec des réseaux comme OSÉO, des aides de la Caisse des dépôts. Et moi, j’essaie de simplifier le système, de sorte que des PME qui, en général, n’ont ni les moyens, ni la taille suffisants pour commencer à exporter, mais qui ont de bons produits, puissent être accompagnés efficacement à l’étranger. Et donc, il faut que nous arrivions à simplifier, harmoniser, mutualiser l’ensemble de ce système. J’y passe un temps infini, parce que nous sommes dans un pays gaulois. C’est ainsi !

En Allemagne, il n’y a pas besoin d’un missile, ni d’un ministre, ni d’organiser des grands discours ; les chambres de commerce régionales le font. La chambre de commerce prend en charge les entreprises, on décide d’un marché, on regroupe et on y va. C’est pareil aux États-Unis où les chambres de commerce ont un rôle très important. Le Président des États-Unis et des ministres n’interviennent que sur les très grands contrats de niveau politique. Mais, le reste suit. En France, nous avons un problème de dissémination, de dispersion des instruments étatiques, régionaux, privés et puis, il faut bien le regretter, un esprit où on a du mal à jouer collectif. Combien de fois je vois des grands groupes qui sont très performants – regardez les chiffres aujourd’hui, le CAC 40 se porte très bien, investit à l’étranger, fait des profits et porte haut l’image de la France à l’étranger – mais combien de PME sont-elles amenées avec ? Combien d’emplois sont effectivement créés dans mon pays ? Telle est la question. C’est une question en général dérangeante… Mais, c’est une question qui va de soi en Allemagne. Un grand groupe allemand va venir avec ses PME. Un groupe coréen va venir avec des sous-traitants coréens. Un Japonais vient avec des sous-traitants japonais… En France, vous pouvez gagner un magnifique contrat et en même temps, avoir toute sorte d’intervenants japonais, chinois, locaux. Parfois, cela est nécessaire, sinon vous ne gagnez pas. Mais franchement, tous les jours, tous les jours, tous les jours, je vends du patriotisme économique, Mesdames et Messieurs. Et croyez-moi, je pèse mes mots, j’ai été ministre de l’Europe, donc je connais un tout petit peu les règles européennes, à prix et à qualité comparables, il faut acheter français. Achetez français…

(Applaudissements).

Vraiment, je compte sur vous, parce que vous êtes en première ligne. Chaque fois que vous voyez un patron – et Dieu merci, il y en a beaucoup, malgré ces déficits, nous sommes encore une fois le deuxième exportateur européen et parmi l’un des premiers investisseurs de la planète – dites-leur « où avez-vous fait fabriquer tel ou tel produit que vous vendez ? ». Vous verrez, en général, vous ne serez pas déçus du voyage. Alors, insistez, dites-leur : « Moi, je connais une entreprise, à tel endroit, qui sait faire cela, des abribus, en passant par telle pièce d’avion ou de voiture ». Vous avez peut-être vu dans la presse, je me suis un tout petit peu « fritté », l’autre jour, à Tokyo, sur le Guide Michelin. Ce n’est pas pour embêter le Guide Michelin… mais enfin, c’est vraiment un exemple. Le Japon adore la France. Il n’y a pas deux pays qui ont eu la même histoire de chevalerie. Ils ont eu le Bushidô, nous avons eu les Chevaliers. Même passion pour l’histoire et la modernité. Et ils adorent notre cuisine. D’ailleurs, nous adorons leur cuisine aussi. Ce n’est pas le sujet… Les Japonais adorent la France. Nous sommes à 1,2 %. Nous sommes inondés de barrières non-tarifaires – entre nous scandaleuses : embargo sur la viande depuis dix ans. Je me suis battu comme un beau diable, nous avons des marges de progression, sur le plan alimentaire, au Japon, considérables dans un pays riche de 120 millions d’habitants qui aiment la France. On a la chance d’avoir un prescripteur qui fait des guides gastronomiques. Pourquoi 14 ou 15 trois étoiles à des marchands de sushis et pas au moins autant à des restaurants français au Japon avec des Japonais qui ont passé leur vie à apprendre la cuisine française et qui sont passionnés de cuisine française ? Derrière chaque plat français, il y a des produits français. Et donc, oui, moi, je me battrais sans arrêt, pendant mon CDD, pour vendre des produits français. Il n’y a pas d’histoire et tout le monde doit s’y mettre. Que l’on imprime un guide ou que l’on construise un avion ou un abribus ou je ne sais quoi, attention aux sous-traitants. Chaque fois que vous regardez les sous-traitants, vous avez des petites usines, dans nos régions, avec parfois 50 employés, 100, 200, c’est cela, le tissu économique de la France. Et pour ceux d’entre vous qui n’aimez pas les chiffres du Front national ou qui sont inquiets, les chiffres que vous trouvez en venant en France, c’est hyper simple : vous voulez lutter contre les extrêmes ? Il faut employer les gens. Employez les gens ! C’est mon obsession. Faire en sorte que ces usines tournent en région. Pour que les usines tournent en région, il faut que ces usines participent à l’effort d’exportation. C’est aussi simple que cela. Donc, je compte sur vous.

C’est mon dernier message. Je n’ai pas grand-chose d’autre à ajouter. Nous travaillons sur chacun de ces volets de façon très systématique : la négociation commerciale, les grands contrats, la chaîne export, depuis la région jusqu’à l’étranger. Nous allons partager les informations, mutualiser, mobiliser les chambres de commerce et elles le sont, faire en sorte de colocaliser tous ces services au plus près de nos entreprises. Mais, vous qui habitez à l’étranger, qui travaillez à l’étranger, bien sûr, vendez la France – mais, vous le faites ! – et ayez le réflexe, dans les relations que vous pouvez avoir avec le monde de l’entreprise, toujours, de demander à ce que l’on travaille en équipe. Essayons de faire une équipe de France de l’export qui ressemble à la Coupe du Monde de 1998 et pas à celle qui s’est jouée cet été en Afrique du Sud.

(Applaudissements).

Voilà. Je fais cela, vous l’avez compris, avec beaucoup de cœur, en y mettant 35 années d’expérience sur les relations internationales, que j’ai déclinées sous différentes casquettes. Je crois que je connais un tout petit peu le monde. Je suis très heureux de faire ce travail, parce qu’encore une fois, c’est la réalité, ce sont de vrais emplois, de vraies entreprises. On n’est pas dans les grands discours. On est dans la vraie bagarre telle qu’elle est. Et puis, j’ajoute, puisque nous travaillons aussi très activement sur ce qu’il se passe de l’autre côté de la Méditerranée, où je serai, la semaine prochaine, en Tunisie… Là aussi, il y a les symboles et la politique, cela est très important ; et puis surtout, il y a l’accompagnement économique.

Un chiffre – et je termine là-dessus , la France est parmi les tous premiers acteurs dans le monde arabe. 3 000 entreprises, 300 000 fiches de paie que nous signons tous les mois. Cela représente 12 à 15 % de la totalité de notre commerce international. La stabilisation, la réussite de la transition démocratique, ce sont bien sûr des discours et de la diplomatie. Mais c’est d’abord la capacité de ces pays à stabiliser leur niveau social. Parce qu’eux aussi, ont un léger problème d’emploi. Leur point commun n’est pas seulement la religion ou la langue, mais aussi le fait que dans ces pays, entre 40 et 70 % de la population a moins de 25 ans. Le vrai défi, c’est l’emploi ; et le rôle des sociétés françaises et des autres, va être d’accompagner la stabilité économique de ces pays. Cela est très important si nous voulons aider la transition démocratique de ces pays, il faut aider nos entreprises à y rester.

Donc, l’une de mes nouvelles missions, depuis peu, consiste à m’occuper de nos entreprises dans le monde arabe et de s’assurer qu’elles y restent et donc, de régler leurs problèmes à mesure qu’ils se développent. Et Dieu sait s’il y a des problèmes.

Je vous ai à peu près tout dit. Voyez qu’il y a du travail pendant ce CDD. J’espère laisser les choses dans un état meilleur que ce que j’ai trouvé. Mais, cela est difficile. Les chiffres sont difficiles et les causes structurelles de ces déficits ne se règlent pas comme cela, en quelques semaines. Ce sont des causes structurelles et il faut que nous nous attelions à les régler ensemble. Chacun a son rôle et les Français de l’étranger que vous représentez sont pour moi un élément majeur de ce combat pour l’export et pour la France de l’export.

Merci de votre attention.