Publié le 30/09/2011

Intervention de M. Martin HIRSCH, Président de l’Agence du service civique - 30 septembre 2011

Intervention de M. Martin HIRSCH, Président de l'Agence du service (...)

M. Martin HIRSCH, Président de l’Agence du service civique s’est adressé à l’Assemblée le 30 septembre 2011.

Mesdames, Messieurs,

C’est un plaisir d’être avec vous ce matin pour évoquer le service civique qui est un sujet qui me tient à cœur bien évidemment, mais pour lequel le volet international est pour nous très important. Je vais prendre quelques minutes pour rappeler le contexte, l’origine du service civique, qui ne vous est pas forcément complètement familière. C’est une réforme qui a été votée quasiment à l’unanimité il y a 18 mois, par la loi du 10 mars 2010, mais qui puise ses racines beaucoup plus profondément, puisque l’objectif du service civique était de permettre à des jeunes de pouvoir s’engager pour des missions d’intérêt général, en France ou à l’étranger, en donnant plus de dynamisme, plus de force, plus de moyens, plus de simplicité, plus de variété, à différentes formes d’engagements. À un moment où plusieurs tentatives avaient été faites, de réactiver cette idée d’engagement civique ou citoyen, qui puise donc ses racines à la fois dans la lacune laissée par la suppression du service militaire, il y a une quinzaine d’années ; laissée aussi par la diminution des moyens et des capacités de partir en coopération ; laissée aussi par la complexité des différentes formes de volontariat, qui ont existé. Certaines trouvaient leurs racines dans l’objection de conscience, d’autres dans différentes formes de volontariat, quelquefois prévus par la loi, d’autres fois moins bien organisées. Et de tout cela, on a réfléchi, avec l’ensemble des partenaires, pour essayer de trouver un cadre plus simple, mieux organisé, plus pérenne, pour l’engagement des jeunes : c’est le service civique.

Comment cela fonctionne-t-il ? C’est une possibilité ouverte à tout jeune, à condition qu’il ait entre 16 et 25 ans, sans condition de diplôme particulière, sans condition d’expérience particulière, sans être ciblé sur un public précis, mais au contraire l’aider et pouvoir faire vivre l’engagement de jeunes qui ont des parcours, des aspirations divers. De fait, quand on regarde qui fait son service civique aujourd’hui, on a une grande variété. Certains le font en sortant d’une grande école – HEC puis service civique ; d’autres le font après avoir raté trois fois leur baccalauréat ; d’autres encore sans jamais avoir fait d’études particulières ; d’autres au milieu d’études ; d’autres parce qu’ils ont fait des études dans le secteur social et qu’ils veulent tester leur motivation en faisant leur service civique ; d’autres parce qu’ils rêvent de fonder ou de rejoindre une ONG à l’international ; des jeunes le font en interrompant leur emploi ; d’autres en interrompant leur chômage. Nous avons une très grande variété de jeunes qui font leur service civique. Donc, depuis celles et ceux qui ont déjà des capacités techniques fortes, jusqu’à celles et ceux qui n’ont pas de capacités techniques ou de compétence acquise au préalable.
Lorsque nous avons créé le service civique et que le Président de la République l’a annoncé, il y a deux ans quasiment jour pour jour – le 29 septembre 2009 – le Président de la République a fixé un objectif qui était celui que nous avions proposé en concertation des différents acteurs de la jeunesse, de faire atteindre, dès 2014, l’accès au service civique à 75 000 jeunes par an. Pourquoi ce chiffre ? Parce que cela correspond exactement à 10 % d’une classe d’âge annuelle et que nous avions fait le raisonnement que le service civique aurait un vrai impact dans la société, quand il concernerait au moins un jeune sur dix. C’est donc cet objectif qui a été fixé par le Président de la République, réaffirmé en Conseil des ministres à plusieurs reprises, il y a encore quelques semaines, d’atteindre un jeune sur dix, 75 000 jeunes par an, ce qui en fait quelque chose de tout à fait important et puis, nous faisons cette montée en charge. Nous sommes partis de l’ancêtre du service civique, qui s’appelle le service civil, qui ne pouvait toucher que moins de 3 000 jeunes chaque année. L’année dernière, en 2010, nous avons eu la possibilité de faire rentrer 10 000 jeunes ; cette année, 15 000. L’année prochaine, nous avons l’autorisation de faire rentrer 25 000 jeunes. Nous serons donc en 2012 et la logique est donc de monter à 75 000 en 2014. Ce sont des engagements actuels, dont j’espère qu’ils seront affirmés aux échéances de l’année prochaine. La petite garantie que nous avons est que le service civique a été voté quasiment à l’unanimité à l’Assemblée nationale et au Sénat et que nous voyons, pour ce qui est des collectivités locales, que celles de droite comme de gauche s’emparent du service civique avec grand plaisir.

Comment cela se passe-t-il pour les jeunes ? Les jeunes qui font leur service civique peuvent le faire pour une période minimum de six mois, maximum d’un an ; perçoivent pendant leur service civique une indemnité dont la plus grande partie est versée par nous-mêmes, qui s’élève à 450 euros par mois pour tous les jeunes, auxquels l’organisme d’accueil doit ajouter au moins 100 euros par mois, auxquels nous rajoutons encore 100 euros par mois pour les jeunes éligibles à des critères sociaux ; à cet ensemble, nous rajoutons la prise en charge, par l’Agence du service civique, de l’ensemble de la protection sociale (retraite, assurance maladie ou couverture maladie quand c’est à l’étranger), c’est un élément important qui change par rapport aux différentes formes de volontariat. L’organisme d’accueil est obligé de mettre au moins 100 euros par mois et par jeune, mais il peut faire davantage, pour tenir compte de contextes ou de coûts particuliers. C’est particulièrement vrai pour les missions à l’étranger.
Les missions à l’étranger dans le service civique doivent se faire auprès d’un organisme agréé par nous. Pour ce faire, il doit s’agir d’un organisme public ou à but non lucratif et de droit français. C’est ce que prévoit la loi. Je ne sais pas si elle sera révisée à un moment donné. Cela nous permet une très grande latitude, puisque nous avons agréé plus de deux mille organismes au cours de ces 18 derniers mois, pour accueillir ces 25 000 jeunes qui feront leur service civique l’année prochaine. Depuis le début, nous avons eu comme axe de développer le service civique à l’international, en complément des autres formes de volontariat que nous avons maintenues, les formes de volontariat qui sont pilotées par ce ministère et que sont le volontariat de solidarité internationale, le volontariat en ambassade et le volontariat international pour les entreprises. Ces trois formes de volontariat continuent à exister. Ce que le législateur a simplement prévu, c’est de dire que les jeunes qui font ces différentes formes de volontariat, pour lesquels il n’y a pas exactement les mêmes limites d’âge – on peut être VSI à tout âge, par exemple – étaient reconnues comme une forme de service civique et donc, nous délivrerons des attestations de service civique à celles et ceux qui font cela.
Mais, nous n’avons pas dit VSI, VIA, VIE, formes exclusives de volontariat à l’étranger, mais nous avons considéré que le service civique dont les chiffres allaient monter de manière plus impressionnante, pouvait également contribuer à des missions à l’étranger. D’ailleurs, nous avons un Conseil stratégique de l’Agence, dans lequel siègent à la fois les représentants de ce ministère et beaucoup d’organisations internationales ; nous avons également un partenaire privilégié, membre de l’Agence, qui est FranceVolontaire, la suite de Volontaire du Progrès, qui est un opérateur important dans ce secteur.

Avec cet ensemble, nous essayons de développer des missions à l’étranger, d’autant plus que, comme vous l’imaginez, il y a une forte appétence des jeunes à faire des missions à l’international : c’est grosso modo leur premier choix. Pour la plupart d’entre eux, s’engager comme volontaire, rime avec partir à l’international. Cela est plutôt sain et sympathique, à partir du moment où nous pouvons l’organiser dans des conditions sérieuses.

Nous sommes donc partis de zéro mission à l’étranger, pour pouvoir cette année offrir et remplir 500 missions à l’étranger. Nous souhaitons qu’elles viennent se rajouter aux VSI, etc., et donc augmenter au fur et à mesure pour, non pas peut-être satisfaire toutes les demandes, mais avoir un nombre significatif de missions.
Quelles sont les manières dont nous développons cela ? Les premières missions auxquelles nous essayons de répondre, ce sont des missions qui correspondent à des engagements de la France vis-à-vis de ses partenaires. Le tout premier programme que nous avons lancé est un programme à Haïti, faisant suite à une visite du Président de la République, quelques jours ou semaines après le tremblement de terre, en janvier 2010, qui s’est engagé, devant les Haïtiens, à ce que les jeunes Français puissent aider les jeunes haïtiens. Depuis, nous faisons partir régulièrement plusieurs dizaines de jeunes chaque année. Nous en sommes à la troisième vague d’envoi qui va partir dans quelques jours, qui commence une formation avant de partir à Haïti, avec des missions de soutien à l’éducation, avec les ONG sur place, etc. C’est une mission que nous sommes particulièrement fiers d’être capables de réaliser, en liaison avec l’ambassade en France, le gouvernement haïtien et les différentes organisations gouvernementales.

Dans le même esprit, après la Révolution en Tunisie, nous avons lancé un programme qui va aussi se concrétiser en octobre, qui commence par des échanges. C’est-à-dire que nous envoyons un certain nombre de jeunes en Tunisie, pour les aider sur la constitution de la vie associative notamment et nous accueillons, dans les ONG françaises, un certain nombre de jeunes tunisiens. Cela commence le mois prochain, avec un échange de 15/15, pour être certain que cela fonctionne bien et dans un esprit de réciprocité, parce que nous considérons que dans des pays dans lequel le chômage des jeunes est très élevé, il serait un peu malsain d’envoyer uniquement des jeunes Français faire des choses que peut-être des jeunes tunisiens pourraient faire, sans qu’ils n’en tirent d’autres avantages que, certainement, l’expertise des jeunes.

Nous faisons donc cela de manière réciproque, ce que la loi nous autorise, puisque peuvent faire leur service civique non seulement des Français, mais toute personne résidant depuis au moins un an dans des conditions régulières en France et également des étrangers extra européens à partir du moment où c’est dans un cadre de réciprocité. Donc, ce que nous faisons avec la Tunisie, ce que nous lançons aussi le mois prochain avec l’Afrique du Sud dans le même cadre, avec des jeunes qui vont partir sur des missions de prévention santé en Afrique du Sud et des jeunes d’Afrique du Sud qui vont venir dans des ONG en France. Nous avons donc ce genre de programme, que nous faisons, avec des pays pour lesquels il y a un souhait de la France de pouvoir développer ces échanges.

Deuxième chose que nous développons, c’est l’accueil de jeunes volontaires dans des réseaux à l’étranger. Le premier programme que nous avons lancé est une convention avec l’Association française pour l’enseignement à l’étranger, qui a été agréé il y a déjà un an, pour lesquels nous avons une trentaine de postes à l’AEFE, à Londres, Berlin, Bruxelles, Madrid, Nouakchott, Dakar et j’en oublie probablement. Là aussi, c’est quelque chose qui est tout à fait développable et je crois, qui rend service, ce qui est le but du service civique : rendre service aux jeunes et aux structures à la fois.
Nous sommes sollicités par des alliances françaises, avec une petite difficulté que nous devrons surmonter à un moment donné, qui est que les alliances françaises ne sont pas des organismes de droit français. Donc, je n’ai pas le droit de les agréer. J’aurai le droit d’agrée la Fondation pour l’alliance française si elle le souhaite, ou d’autres organismes, ou passer par les ambassades. Il y a toujours des solutions quand on veut le faire et donc, je pense que bientôt, nous pourrons envoyer des jeunes dans les alliances françaises. De la même façon que très souvent, nous utilisons les ONG françaises pour envoyer des jeunes dans les ONG françaises, mais parfois dans leur réseau, chez leurs partenaires, même si leurs partenaires sont des partenaires de droit local, que ce soit des associations de collectivités, ce sont des choses que nous pouvons juridiquement faire sans aucune difficulté, dès lors que nous avons les moyens de vérifier que nous ne partons pas à l’aventure complète, mais que cela se fait dans des conditions sérieuses.

À ce jour, cela fait 500 missions assurées à l’étranger, dans une soixantaine de pays sur les cinq continents. Hier, une jeune fille partait au Japon sur des missions environnementales. En Amérique du sud, nous avons des missions tout à fait intéressantes pour s’occuper des enfants de la rue à Lima, nous avons une grande variété de missions et derrière, des ambitions assez fortes de pouvoir sensibiliser les jeunes Français à ce qui se passe à l’étranger, leur apporter une ouverture d’esprit, une ouverture internationale. Et puis, il y a aussi le fait d’utiliser un dispositif financé, en tout état de cause, pour permettre de reconquérir un peu de présence française supplémentaire. Cela m’a fait mal au cœur, il y a quelques années, quand je me suis rendu à l’hôpital de Niamey, de voir qu’il n’y avait plus un seul Français sur place, deux Italiens, trois Japonais et de voir régulièrement à l’étranger, peu de volontaires français, même si certains le font dans de nombreux autres cadres, et de voir de la part des pays dans lesquels nous allons, un intérêt très fort pour pouvoir accueillir des jeunes Français et des jeunes Françaises – je précise « Françaises » parce qu’elles sont bien majoritaires, parmi celles qui font acte de candidature pour le service civique : 57 %, c’est une majorité absolue au premier tour pour les femmes dans le service civique.
Le service civique connaît un assez fort engouement puisque nous avons à peu près 70 000 candidatures de jeunes pour faire leur service civique, quand nous ne pouvons en accueillir que 25 000. La demande des jeunes est donc très forte, même lorsque c’est sur une base strictement volontaire. Il y a un véritable appétit de la jeunesse de pouvoir se rendre utile et de pouvoir remplir ce type de mission.
Bien évidemment, nous serions ravis que vous puissiez vous impliquer d’une manière ou d’une autre dans le développement du service civique à l’international, ce qui peut passer par détecter des missions, des organisations avec lesquelles nous pourrions faire, de l’utiliser comme élément de partenariat, d’échange, de dialogue avec les pays dans lesquels vous résidez et dans lesquels vous représentez les Français ; de voir comment des montages peuvent parfois se faire avec des collectivités territoriales pour pouvoir aider à ce qu’il y ait des missions et des accueils de jeunes étrangers également en France ; parfois d’aider à ce que les entreprises qui ont des intérêts dans des pays étrangers, puissent aider à prendre en charge une partie de ces opérations-là, puisque je vous ai dit tout ce que nous pouvons payer, et je pourrais vous dire aussi tout ce que nous ne pouvons pas payer. Sur le budget de l’Agence du service civique, nous ne pouvons pas payer les frais de déplacement des jeunes. Ce sont donc soit les organismes d’accueil qui les prennent en charge, soit des partenariats et mécénats divers. Si je reprends l’exemple de l’Afrique du Sud, c’est une collectivité locale, la Région bourgogne, qui a des jumelages avec une région d’Afrique du Sud qui prend en charge les voyages. Il peut y avoir des frais sur place, des questions de logement, toute une série de choses qui peuvent intéresser des entreprises implantées dans ces pays. C’est donc ce genre d’éléments qui peuvent probablement aider à développer des missions de qualité à l’étranger.

Donc voyez, derrière le service civique, il y a des perspectives importantes. Nous avons puisé notre inspiration, au départ, dans Americorps et PeaceCorps, qui sont nos grands frères en la matière, créés par Kennedy, qui sont des programmes qui se développent, qui contribuent à l’influence américaine sur de nombreux continents, des programmes très recherchés, considérés comme extraordinairement valorisants par les volontaires. Nous sommes d’ailleurs en train de développer des relations proches avec les autres formes de volontariat qui existent au moins dans l’Union européenne. Nous avons beaucoup de projets avec eux, notamment de collaboration, là où le service civique est le plus développé, l’Allemagne, l’Italie et le Luxembourg. Cela représente une proportion élevée de jeunes dans un pays qui en compte peu, qui sont les trois premiers pays avec lesquels nous travaillons avec le plus de proximité. Les institutions européennes sont très demandeuses de développement de formes de volontariat, à partir du noyau qui existe, qui est le service volontaire européen, qui est une très bonne chose, sauf qu’elle est limitée à très peu de jeunes, puisque je crois que cela concerne 75 000 jeunes pour l’ensemble de l’Europe, c’est-à-dire au regard de 70 millions de jeunes européens. Le ratio s’éloigne ici du 10 %, mais pourra probablement s’en rapprocher un jour.

Voilà une présentation laissant du temps pour les questions, en vous remerciant et en espérant ne pas avoir été trop ennuyeux sur ce sujet. Merci.