Publié le 20/05/2011

Intervention de M. Christophe PENOT, Chef du service des immeubles, de la logistique au MAEE - 20 mai 2011

Intervention de M. Christophe PENOT, Chef du service des immeubles, de la (...)

M. Christophe PENOT, Chef du service des immeubles, de la logistique au MAEE s’est adressé à l’Assemblée le 20 mai 2011 sur le thème de la politique immobilière de l’Etat à l’étranger.

Je suis très heureux de pouvoir m’exprimer devant vous. J’ai été très honoré de votre invitation. C’est une tâche un peu difficile que de vous parler de la politique immobilière du département pour trois raisons. D’abord, parce que comme vous le savez tous, c’est un secteur très affecté par les contraintes budgétaires. Cela n’est pas un secteur facile pour celui qui en a la charge. Ensuite, parce que je sais que dans notre politique immobilière et dans celle de l’État en général, il y a des aspects qui peuvent être un peu polémiques, qui sont parfois critiqués. Je ferai donc une assez large place, dans mon exposé, à la politique de cession, qui suscite de la préoccupation de la part des élus. J’essaierai d’expliquer pourquoi et comment nous menons cette politique. Troisièmement, parce que par expérience et notamment dans mes deux derniers postes à l’étranger, au Canada et au Japon, je vous sais tous extrêmement attentifs à ces questions et j’avoue que la tâche m’intimide un peu, moi qui suis novice, de m’exprimer ainsi devant un tel parterre de spécialistes.

Pour commencer, je voulais rappeler quelques caractéristiques de la politique immobilière du Ministère des Affaires étrangères et européennes. La première, c’est que notre patrimoine immobilier à l’étranger n’est pas comme les autres. Il y a une très grande diversité, à la fois par la nature des biens – près de 1 500 biens sont concernés, qui ne sont pas seulement des ambassades et des consulats. Ensuite, une très forte diversité géographique, dans la mesure où ils sont répartis dans 160 pays. Également parce que parmi ces biens, beaucoup ont une très forte valeur patrimoniale ou historique, y compris des exemples qui vous sont sans doute familiers, les Domaines nationaux de Jérusalem, les Domaines français de Sainte-Hélène, les églises, les résidences historiques que nous avons sur toute la planète. Et puis aussi, et c’est peut-être le plus important, parce que ce sont des lieux de vie pour les agents de l’État, des lieux qui reçoivent du public, les communautés françaises, les instituts qui ont une mission de rayonnement très importante et donc, des lieux que nous devons entretenir, mettre en sécurité, dont nous devons sans cesse vérifier et maintenir la sûreté, face à différents risques, y compris sismiques.

L’entretien de ce parc immobilier constitue une charge très lourde et là, j’en viens à la seconde caractéristique de notre politique immobilière. Depuis le 1er janvier 2010, nous ne disposons plus de crédits budgétaires pour financer cet entretien lourd et les opérations de reconstruction ou de rénovation/réhabilitation de nos ambassades et de nos consulats à l’étranger. Les besoins annuels du service pour les opérations que je viens de décrire, sont de l’ordre de 50 à 60 millions d’euros, compte tenu de l’importance de notre parc. Ces besoins sont exclusivement – et parfois imparfaitement, parce que cela ne suffit pas – financés par la cession de biens immobiliers à l’étranger, pour laquelle nous récupérons, pas dérogation, 100 % du produit de ces cessions à l’étranger et 65 % en France.
C’est un problème, parce que notre politique de cession est dépendante de facteurs que nous ne maîtrisons pas, comme par exemple la crise immobilière de 2008, qui nous a conduits à avoir deux années très difficile en matière de cession. À l’époque, nous avions encore quelques crédits budgétaires, donc nous avons réussi à maintenir le cap. Mais, trouver 50 ou 60 millions d’euros chaque année de cessions, cela n’est pas facile et surtout, je pense que cela n’est pas soutenable à moyen terme.

La troisième chose que je voulais souligner, qui n’est pas une particularité, c’est que nous avons aussi en commun avec toutes les autres administrations, de mettre en œuvre la nouvelle politique immobilière de l’État. C’est le cadre dans lequel nous travaillons. Il n’y a aucune raison pour que cette nouvelle politique immobilière de l’État ne s’applique pas aux biens immobiliers à l’étranger. Elle a été définie par la circulaire du Premier ministre de janvier 2009, qui fixe à l’État des normes de performance immobilière en termes d’occupation de surface, de consommation énergétique, d’entretien de ses bâtiments, qui prévoit également une politique de cession et nous veillons tout autant à l’application d’une autre circulaire, que vous connaissez sans doute, qui est celle du 3 décembre 2008, sur l’État exemplaire, qui nous oblige à veiller sur une vingtaine de champs d’application, à mettre en œuvre des politiques de développement durable dans nos bâtiments, qu’il s’agisse de la consommation énergétique ou simplement de la consommation de papier, du parc automobile, etc. Ce double cadre n’est pas contraignant. Il nous oblige à mieux gérer, mais il est très incitatif. Nous l’appliquons de plus en plus à nos postes à l’étranger, en tenant compte des situations locales, notamment sur le plan juridique. Mais, il s’impose à nous aujourd’hui et c’est dans ce cadre que s’inscrit la politique immobilière du MAEE.

Je voulais dire un mot sur un second point, dans notre programme de cession dont je viens de vous expliquer qu’il est absolument essentiel, puisque c’est uniquement sur la base de nos cessions que nous finançons nos programmes d’investissements à l’étranger aujourd’hui, c’est une politique qui est souvent critiquée, qui est je crois mal comprise et donc, j’aimerais essayer de vous expliquer pourquoi et comment nous la menons ; et pourquoi elle me semble, à moi, indispensable, à condition de la mener avec discernement.
Pourquoi vendre ? C’est la première question que l’on nous pose. La réponse est assez simple. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, la nouvelle politique immobilière de l’État prévoie que les administrations vendent, cèdent les biens qui sont devenus inutiles ou ceux qui peuvent être redimensionnés. C’est une composante essentielle qui est rappelée à chaque occasion. Une communication en Conseil des ministres, en avril, a rappelé les progrès des cessions pour les administrations en France. Mais, nous la menons évidemment à l’étranger.

Je voudrais souligner comme premier point, que ce n’est pas seulement la contrainte budgétaire qui nous a conduits à engager ce programme de cession depuis 2006, mais que c’est également la mise en œuvre de la politique immobilière de l’État. Si l’on prend le volume des cessions que nous avons réalisées grâce à cette politique depuis cinq ans, on arrive à peu près à 146 millions d’euros, avec des périodes un peu difficiles en 2008 et 2009 et un horizon qui a commencé à s’éclaircir l’année dernière et qui s’est éclairci cette année : 146 millions d’euros qui ont donc permis de financer des opérations de construction de nouvelles ambassades à l’étranger, des opérations de réhabilitation fonctionnelles et techniques, de rénovations de l’ensemble de nos investissements pendant toute cette période.
Il ne faut pas oublier que nous avons aussi réalisé des cessions en France pour 480 millions d’euros, dont les trois quarts de ce montant correspondent à la vente de l’avenue Kléber il y a quelques années. Nous avons également vendu la rue Monsieur, ancien ministère de la Coopération. Que vend-on aujourd’hui ? Est-ce une politique au fil de l’eau, qui se base sur des inspirations subites ? Non. Nous avons dans ce domaine, une validation par les plus hautes autorités de ce ministère, puisque le programme de cession est décidé par le Secrétaire général du ministère. C’est un programme pluriannuel, que nous déclinons chaque année dans notre programmation immobilière, qui est validée par le ministre d’État et par la Commission interministérielle chargée d’émettre un avis sur les biens immobiliers de l’État à l’étranger, présidée par une magistrate de la Cour des comptes, qui compte dans ses rangs, des représentants du ministère du Budget, de la direction générale du Trésor et de toutes les administrations qui ont des biens à l’étranger.

Notre feuille de route est ce programme pluriannuel. Nous validons chaque opération en CIM à deux reprises. Quand nous décidons une cession, nous validons d’abord le principe de vente en CIM. Une fois que nous avons sélectionné une offre, la CIM valide l’acquisition, la vente effective du bien. Elle le fait en vérifiant que nous avons agi en parfaite conformité avec les grands principes du Code des marchés publics, c’est-à-dire la transparence, la mise en concurrence et l’égalité de traitement entre tous les candidats.

Quels biens vend-on et quelles sont les priorités qui expliquent cette politique de cession ? La première est de rationaliser notre parc immobilier à l’étranger. Ce que nous cédons en premier, ce sont des biens qui sont devenus inutiles ou qui sont surdimensionnés, mais également en application des principes de performance de la politique immobilière de l’État, nous adaptons notre réseau à la nouvelle carte de nos implantations et aux réductions d’effectifs qui sont intervenus avec la RGPP, en ayant pour objectif principal d’intensifier les opérations de regroupement des services, ce qui permet à la fois d’avoir des ambassades plus fonctionnelles et surtout, de réduire les coûts d’entretien et de fonctionnement de nos postes à l’étranger.
Nous pourrions revenir dans la discussion sur des exemples. Il y en a beaucoup. Pratiquement toutes nos opérations immobilières, aujourd’hui, sont des opérations de regroupement des services et s’accompagnent de cessions qui découlent de ces regroupements. Pas nécessairement toujours pour le Ministère des Affaires étrangères et européennes. Nos collègues de la Direction générale du Trésor, lorsqu’ils rejoignent un regroupement dans une ambassade, vendent leurs bureaux ou sortent de prise à bail et donc, réduisent ainsi leurs coûts de fonctionnement.

Je peux vous citer quelques exemples, c’est que nous allons faire à Bangkok, ce que nous sommes en train de lancer à Jakarta. Nous avons également des projets similaires à Athènes, à Copenhague. Pratiquement tous nos projets sont des projets de regroupement et de réduction de nos occupations de surface. Pratiquement tous s’accompagnent de cessions qui sont parfois mineures, mais qui nous permettent de rationaliser nos emprises à l’étranger.

Ce que nous prenons en compte également, c’est le recul, dans certains pays, de la fonction hôtelière des ambassades et surtout, les doublons qui existent parfois entre les résidences et les chancelleries, lorsque ces dernières sont dotées d’espaces de réception. Je prendrai l’exemple de Buenos Aires où nous avons une magnifique ambassade avec de très beaux espaces de réception, des salons en enfilade que nous avons décidé de restaurer, d’utiliser beaucoup plus pour y transférer l’essentiel des activités de réception qui se tenaient jusqu’ici à la résidence. Nous l’avons fait parce que la résidence, qui était un très beau bâtiment, est aujourd’hui située à 18 km du centre-ville et que l’ambassadeur ne parvient plus à l’utiliser autant qu’il le souhaiterait, pour y recevoir des invités, parce que pendant la journée ou le soir, le trajet est trop long et donc, les gens ne viennent pas. L’idée est donc de transférer nos activités de réception sur l’ambassade, qui est en plein centre-ville, et qui dispose largement des espaces nécessaires pour ces réceptions, de vendre la résidence et de racheter, pour l’ambassadeur, un appartement de grande qualité, qui lui permette de recevoir et de remplir ses obligations de représentation, mais à moindre coût d’entretien et de fonctionnement pour le budget de l’État.

Nous vendons aussi certains logements de fonction. Certains d’entre vous doivent le savoir. Il y a des pays où nous avions des logements de fonction en grand nombre et où le marché ne justifie plus que nous logions. Ils peuvent se loger eux-mêmes sur le marché. Nous vendons ainsi des logements de fonction, des logements numéro 2 en particulier, mais pas seulement au Brésil, en Corée et dans d’autres postes, au Canada ou ailleurs.

Pour terminer, je voulais rappeler que ce programme de cession nous permet de financer nos opérations immobilières à l’étranger. Comme je l’ai dit tout à l’heure, nous bénéficions d’une dérogation qui nous a été accordée par le Ministre du budget, puisque nous récupérons ces cessions à 100 %, ce qui n’est pas le cas des cessions en France, auxquelles s’applique une ponction de l’ordre de 15 % pour le désendettement de l’État et de 20 % pour alimenter une sorte de fonds de péréquation sur le compte d’affectation spécial immobilier (CASI), qui bénéficie à l’ensemble des ministères, et notamment à ceux qui n’ont pas de cession à réaliser.

Je veux bien revenir, je pense qu’il y aura des questions sur ce point, dans les vingt minutes que nous allons laisser pour l’échange. Avant que nous discussions, je voulais terminer sur les perspectives. Je l’ai dit tout à l’heure, en commençant notre exposé, il est bien clair pour tout le monde et pour nous en particulier, que cette politique de financement exclusif de nos investissements à l’étranger par des produits de cession n’est pas tenable sur le long terme, mais probablement même pas sur le moyen terme. Nous allons donc devoir réexaminer cet aspect de notre politique immobilière dans les prochaines années. J’ai la conviction que les opérations de rationalisation que je vous ai décrites doivent se poursuivre, parce qu’elles sont indispensables. Elles sont une bonne gestion de notre patrimoine à l’étranger, de son utilisation. J’ai également le sentiment que nous n’avons pas encore atteint la limite des cessions que nous pouvons réaliser à la faveur de ces opérations de rationalisation. Mais, je pense que nous l’atteindrons assez vite et qu’il faut anticiper le moment où nous devrons sortir de ce système. Je pense que le problème va se poser d’ici quelques années, à la fois un problème de soutenabilité. Nous ne serons plus en mesure de vendre suffisamment pour financer ces 50 ou 60 millions d’euros d’opérations que j’indiquais tout à l’heure. Nous aurons aussi un problème d’emploi des ressources que nous dégageons, puisqu’au fond, il n’est pas de bonne gestion patrimoniale que la politique de cession finance par exemple la mise en sécurité de nos implantations. On ne peut pas faire dépendre la mise en sécurité de nos implantations de cessions immobilières. Il faut un budget pour cela, des crédits budgétaires. De même pour l’entretien, aujourd’hui, nous veillons à ne pas utiliser ces cessions pour financer du fonctionnement ou de l’entretien courant. Mais en fait, cet entretien courant n’étant pas effectué, nous le retrouvons, après quelques années, multiplié par quatre ou cinq, sur des opérations d’entretien lourd qui, évidemment, s’imposent à nous, à mesure que l’entretien normal de l’immeuble n’est plus assuré.
Donc, notre objectif, aujourd’hui, c’est un retour qui ne pourra être probablement que progressif, à un financement durable sur des crédits budgétaires, de l’entretien de nos immeubles. Il faut absolument que nous retrouvions des crédits pour nous permettre de faire cet entretien courant. Il faudra que nous sortions du système, dans quelques années, du financement des programmes d’investissement par les cessions et donc, que nous retrouvions des crédits budgétaires d’investissement, comme c’était le cas il y a quelques années.

Je sais que le Ministre d’État a bien l’intention de porter ces demandes et qu’il a manifesté la volonté de solliciter les arbitrages nécessaires pour que nous évoquions ce sujet dès cette année, avec la Direction du Budget dans nos discussions budgétaires en plusieurs étapes.
Je voulais conclure peut-être en abordant un dernier sujet, parce que je sais qu’il a fait l’objet de questions de votre part, qui est celui de la gestion de notre patrimoine immobilier à l’étranger par une foncière de l’État. Ce projet a été lancé il y a quelques années. Le Conseil de modernisation des politiques publiques, qui a été mis en place dans le cadre de la RGPP, avait retenu ce principe. Nous l’avons étudié pendant deux ans avec le ministère du Budget. Nous étions évidemment totalement favorables à cette idée qui aurait permis de créer une foncière susceptible de gérer avec plus d’efficacité que ne le fait une administration, plus de réactivité, plus de moyens aussi, ce parc immobilier à l’étranger. Mais, nous n’avons pas abouti à un accord et surtout, les contraintes d’ordre juridique d’une part et la difficulté de doter cette foncière en projet des moyens nécessaires, nous a conduits à renoncer à ce projet et nous avons lancé une nouvelle expérimentation qui se substitue au projet de foncière et qui consiste à travailler avec une société anonyme à capitaux 100 % publics, qui s’appelle la SOVAFIM, qui a porté et qui porte aujourd’hui un certain nombre d’opérations immobilières pour l’État à Paris. Nous sommes donc en train de lancer une expérimentation avec la SOVAFIM pour demander à celle-ci de nous aider ou de porter, même, certaines de nos opérations immobilières de construction, voire de cession à l’étranger. Nous le faisons d’abord progressivement, sur deux ou trois pays tests. Je pense que nous serons en mesure, si cela réussi, ce qui devra être le cas, d’étendre cette expérience peut-être pas à l’ensemble de nos opérations immobilières, mais à une bonne partie d’entre elles. C’est une formule souple et donc assez pragmatique que nous recherchons, dans la mesure où, encore une fois, cet opérateur ad hoc que nous avions envisagé avec la foncière, n’est pas réalisable en l’état actuel de la réflexion et notamment, ne pourrait pas être dotée des moyens nécessaires pour mieux gérer que nous ne le faisons aujourd’hui, ce parc immobilier à l’étranger.

Je crois qu’il nous reste une vingtaine de minutes. On m’a demandé d’être un peu plus court que je l’avais prévu. Je vous propose de m’arrêter là et de répondre à vos questions, si vous en avez.

Merci de votre attention.