Evaluation de la pertinence de la poursuite de la coopération judiciaire au Burundi au niveau européen.
Question d’actualité de Mmes Alexandra BEUTHIN, membre élu de la circonscription électorale de Nairobi et Mme Anne MONSEU-DUCARME, membre élu de la circonscription de Bruxelles
QUESTION
Au cours des dix dernières années, la France, la Belgique, la Suisse, les Pays Bas, les Nations Unies et l’Union européenne ont financé des dizaines de millions d’euros de projets d’appui au système judiciaire du Burundi. La formation de la police, des magistrats, la réévaluation du statut et des conditions des magistrats, la réforme de la chaine pénale… sont autant d’actions qui continuent à faire l’objet de ces multiples projets de coopérations.
Au terme d’une crise qui a causé la mort de plus de 250 000 personnes, le bilan des arrestations, procès et condamnations est nettement insuffisant. Les assassins de deux présidents de la République, d’un archevêque, d’un nonce apostolique, d’un représentant de l’Unicef, d’un représentant de l’OMS, de plusieurs ministres et gouverneurs de provinces restent, pour la plupart, impunis. Tout comme les meurtres de 11 humanitaires, le dernier en date étant celui d’Agnès Dury, d’Action Contre la Faim, le 31 décembre 2008.
Depuis le 3 avril 2011, Patrice Faye, un Français installé au Burundi depuis 32 ans, croupi dans la prison de Mpimba, celle-là même qui avait tiré des larmes à Nelson Mandela venu la visiter en juin 2001. Accusé du viol de 5 mineures, Patrice Faye a été condamné à 25 ans de prison au terme d’une arrestation et d’un procès qui ne respectent pas le droit burundais et en l’absence de toute enquête judiciaire.
Ni le soutien de plus de 3000 pétitionnaires, ni les efforts du poste diplomatique français à Bujumbura ne semblent somme toute émouvoir les autorités locales qui s’étonnent d’un tel tapage autour d’une situation commune aux 11 000 prisonniers burundais.
A l’heure où les fonds destinés aux opérations de coopération se raréfient, où certains pays africains s’engagent résolument dans des pratiques judiciaires respectueuses des droits humains, le Ministère des Affaires Etrangères et Européennes pourrait-il solliciter d’urgence la Commission européenne et le Parlement européen afin d’évaluer sérieusement la pertinence de la poursuite de la coopération judiciaire au Burundi ?
REPONSE
La France mène une action résolue depuis de nombreuses années en faveur de la promotion de la démocratie, des droits de l’homme et de la lutte contre l’impunité, ainsi que des actions d’appui au système judiciaire burundais en coopération avec l’Union Européenne. Cet engagement important a contribué à la réussite, dans des conditions exemplaires, d’un difficile processus de transition politique, marqué notamment par l’organisation en 2010 d’élections libres et démocratiques dans un pays meurtri par plusieurs années de guerre civile qui a fait plus de 300 000 morts.
Dans ce cadre, le Burundi s’est efforcé de moderniser son système judiciaire afin de le rendre plus transparent, avec notamment la création d’un Ombudsman, d’une Commission indépendante pour les droits de l’homme (CNIDH), et d’une commission préparatoire pour la justice transitionnelle.
Nous sommes toutefois conscients que ces progrès, aussi encourageants soient-ils, ne sont qu’une étape dans le processus de consolidation de l’Etat de droit au Burundi, dans un contexte encore fragile de sortie de crise marqué par la volatilité de la situation sécuritaire. C’est la raison pour laquelle la France, en concertation avec l’UE, poursuit des actions de soutien en faveur des associations locales de défense des droits de l’homme parallèlement aux actions menées en appui du système judiciaire burundais.
La France a constamment soutenu l’action de l’expert indépendant des Nations unies sur la situation des droits de l’Homme au Burundi, dans le mandat qui lui est confié d’assister le Burundi à mettre en place des mécanismes adaptés de promotion et de protection des droits de l’Homme et, en particulier, une commission nationale indépendante de droits de l’Homme conforme aux principes de Paris.
La France mène par ailleurs un rôle actif de coordination des partenaires européens et de sensibilisation des autorités burundaises sur la question des droits de l’homme. Nous avons entrepris de nombreuses démarches, notamment dans le cadre d’affaires récentes d’intimidation ou de détention d’avocats et de journalistes burundais, comme dans le cas d’affaires judiciaires intéressant nos compatriotes. Nos relations bilatérales, comme celles de l’UE, avec le Burundi, sont fondées sur le respect des droits de l’homme, des libertés fondamentales et des principes démocratiques, qui sont au cœur de l’Accord de Cotonou. La France y demeure attachée et elle y veillera.
Dans le document d’orientation conjoint sur la politique européenne au Burundi daté de juillet 2009, le secrétariat général du Conseil et la Commission, en collaboration avec le Représentant spécial de l’UE pour les Grands Lacs, ont identifié le suivi du fonctionnement des institutions démocratiques conformément à la constitution comme l’un des 3 objectifs immédiats pour la période 2009-2010. Cela couvrait notamment l’indépendance du pouvoir judiciaire, la mise en place des autorités administratives indépendantes (ombudsman et CNIDH) et l’appui à la société civile face à la puissance du pouvoir exécutif. Concernant l’action de l’UE à long terme, la protection des droits de l’homme et le respect de l’état de droit sont deux priorités du programme. A ce titre, l’UE, consciente des progrès à réaliser dans ces domaines, appuie la réforme du secteur de la justice, notamment par un soutien au ministère de la Justice, au fonctionnement du système judiciaire et au système pénitentiaire
ORIGINE DE LA REPONSE : DAOI / DUE