Abandon de la nationalité française
Question orale de M. Damien REGNARD, membre élu de la circonscription électorale de Houston.
QUESTION
Un certain nombre de nos ressortissants résidant aux Etats-Unis et ayant acquis la nationalité américaine depuis plusieurs années souhaiteraient renoncer à la nationalité française.
Selon l’Article 23-1 du Code civil, " La déclaration en vue de perdre la nationalité française peut être souscrite à partir du dépôt de la demande d’acquisition de la nationalité étrangère et, au plus tard, dans le délai d’un an à compter de la date de cette acquisition. "
L’Article 23-4 dispose que : « Perd la nationalité française le Français, même mineur, qui, ayant une nationalité étrangère, est autorisé, sur sa demande, par le Gouvernement Français, à perdre la qualité de Français. Cette autorisation est accordée par décret. ».
Quelle interprétation faut-il faire de l’article 23-7 du code civil qui dispose : " Le Français qui se comporte en fait comme le national d’un pays étranger peut, s’il a la nationalité de ce pays, être déclaré, par décret après avis conforme du Conseil d’Etat, avoir perdu la qualité de Français. " ?
Nonobstant les cas d’absence de possession d’état et résidence habituelle en France, de mariage avec un étranger, ou d’emploi dans une armée ou un service public étranger, comment un Français âgé de plus de 19 ans et ayant acquis une autre nationalité depuis plusieurs années peut-il renoncer à sa nationalité française ?
A quelles circonstances concrètes, à quels comportements, les articles du code civil font-ils référence ? L’intéressé peut-il être demandeur ? Quelle est la jurisprudence en la matière ?
REPONSE
Dans votre question orale n° 8, vous exposez la situation d’un certain nombre de ressortissants français résidant aux Etats-Unis qui souhaitent renoncer à la nationalité française suite à l’acquisition de la nationalité américaine.
Vous soulignez particulièrement le cas d’un Français âgé de plus de 19 ans qui a acquis la nationalité américaine depuis plusieurs années. Dans ce cas bien précis, l’intéressé étant citoyen américain depuis plus d’un an, il peut demander à être libéré des liens d’allégeance à l’égard de la France. Il peut donc être autorisé à perdre la nationalité française par décret, par décision de l’autorité publique en application de l’article 23-4 du code civil. Pour que sa demande de perte de la nationalité française soit recevable, le demandeur doit apporter la preuve préalable de sa nationalité étrangère et l’absence d’attaches familiales et professionnelles en France. En effet, l’Administration peut refuser d’accorder une autorisation de perte de la nationalité française lorsque l’intéressé ne manifeste pas une volonté évidente d’expatriation.
Il peut être utile de noter que la décision est purement individuelle et qu’elle ne produit aucun effet collectif sur la femme ou sur les enfants.
Le cas évoqué ci-dessus relève d’un mode spécifique de perte de la nationalité française. A toutes fins utiles, vous trouverez ci-dessous un récapitulatif des différents autres modes de perte de la nationalité française et des articles du code civil s’y rapportant, comme vous l’avez exprimé dans votre demande.
1) Perte de la nationalité française par déclaration (article 23 et suivants du code civil)
Toute personne majeure résidant habituellement à l’étranger qui acquiert volontairement une nationalité étrangère a la possibilité de souscrire une déclaration de perte de la nationalité française, au plus tard dans le délai d’un an à compter de la date de cette acquisition.
Le déclarant doit résider habituellement à l’étranger tant au moment de l’acquisition de la nationalité étrangère qu’à celui de la déclaration. L’absence d’effectivité de la nationalité française de l’intéressé doit être suffisamment établie. En outre, les hommes de moins de 35 ans ne peuvent la souscrire que s’ils sont en règle avec leurs obligations militaires.
La perte de la nationalité française par déclaration ne revêt pas de caractère obligatoire. Elle constitue seulement une possibilité pour l’intéressé d’abandonner une nationalité qui ne lui correspond plus. La condition de résidence habituelle du déclarant à l’étranger a pour conséquence que la déclaration ne pourra être reçue que par les autorités consulaires françaises.
2) Autres cas de perte
– Exercice actif d’une nationalité étrangère (article 23-7 du code civil)
L’article 23-7 du code civil permet au gouvernement de prononcer d’office la perte de la nationalité française du « Français qui se comporte en fait comme le national d’un pays étranger s’il a la nationalité de ce pays ». Cette décision résulte d’un décret en Conseil d’Etat.
Deux conditions de fond sont considérées :
- Comportement : l’individu visé par l’article 23-7 du code civil est celui, selon l’interprétation du Conseil d’Etat, qui fait preuve d’un comportement manifestant un défaut de loyalisme à l’égard de la France.
- Double nationalité : l’article 23-7 du code civil ne peut s’appliquer qu’aux individus qui possèdent la nationalité étrangère qu’ils pratiquent effectivement.
– Emploi dans un service public étranger (article 23-8 du code civil)
L’article 23-8 du code civil vise le Français « occupant un emploi dans une armée ou un service public étranger ou dans une organisation internationale dont la France ne fait pas partie ou plus généralement leur apportant son concours ». L’emploi ne devient cause de perte de la nationalité française que si le gouvernement français a fait injonction à l’intéressé de le résigner et que ce dernier n’a pas donné suite à cette injonction. L’injonction fait courir un délai pour résigner l’emploi ou cesser le concours qui ne peut être inférieur à quinze jours ni supérieur à deux mois.
La perte de la nationalité française se matérialise par un décret qui doit être pris simplement après avis du Conseil d’Etat. Toutefois, lorsque cet avis est défavorable, le décret de perte de la nationalité française ne peut être pris que par décret en Conseil des ministres. Cet article est également rarement mis en œuvre.
– Déchéance
La déchéance est prévue par l’article 25 du code civil. L’individu qui a acquis la nationalité française peut être déchu de cette nationalité par décret en Conseil d’Etat, sauf si cette déchéance a pour effet de le rendre apatride.
Quatre cas dans lesquels la déchéance peut être prononcée sont prévus :
– condamnation pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou délit constituant un acte de terrorisme ;
– condamnation pour un acte qualifié de crime ou délit. Il s’agit des atteintes à l’administration publique commises par des personnes exerçant une fonction publique ;
– condamnation pour s’être soustrait aux obligations résultant du Code du service national ;
– le fait de s’être livré au profit d’un Etat étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France.
Avant la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003, la déchéance n’était encourue que pour les faits commis dans le délai de dix ans à compter de l’acquisition de la nationalité française, délai porté à quinze ans par la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 pour les faits qualifiés de crime ou délit portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou constituant un acte de terrorisme.
La déchéance ne peut être prononcée que dans le délai de dix ans à compter de la perpétration des faits visés à l’article 25 du code civil, délai porté à quinze ans si les faits reprochés relèvent d’actes de terrorisme.
La déchéance est prononcée par un décret motivé qui ne peut être pris qu’après avis conforme du Conseil d’Etat. Dans la pratique, les mesures de déchéance sont exceptionnelles./.
ORIGINE DE LA REPONSE : FAE/SAEJ/ECN